Olivier Py dévoile son projet secret après le Festival d’Avignon

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L’homme au vélo rouge, aux chemises ouvertes et au pantalon canari ne sera bientôt qu’un spectre pour les ruelles sans pape d’Avignon. Ses bons mots ne rempliront plus la piscine du bar du IN. On ne l’entendra plus fredonner les trompettes de Vilar dans les toilettes de La Fabrica. C’en sera fini des évangiles (« Désarmer les solitudes », « Se souvenir de l’avenir »), des pianos droits en bord de scène, des motos dans la Cour d’honneur, des godemichets géants, des ampoules à filament, des croix en diamant, des jeunes premiers impatients.

Olivier Py quitte le Festival, mais pas la cité provençale. « Les cigales m’ont retenu ici. Je serai leur Orphée longtemps encore », précise-t-il poétiquement, avant de nous confier plus concrètement qu’il a « décidé de racheter le théâtre du Chien qui Fume, petite scène privée du Festival OFF » dont il souhaite faire un « haut lieu de création contemporaine ». Il continue : « Je suis un amoureux du premier rang, j’ai toujours rêvé d’une salle si petite que chaque spectateur aurait l’impression de l’occuper. » L’artiste prendra ses fonctions dès septembre 2022 où il lancera la première saison de la Py Qui Fume. 

« La pie est un symbole de joie et de bravoure », ajoute-t-il dans une parenthèse d’onomastique, « Elle vient aussi de *pius en latin qui signifie “pieux.“ Mon patronyme allégorise ce qu’est pour moi le théâtre : un art joyeux et messianique. » En exclusivité pour I/O Gazette, Olivier Py révèle, une semaine après avoir dévoilé la programmation du 77e Festival d’Avignon, quelques moments forts de la première saison la Py Qui Fume. Une saison rêvée avec les artistes qui ont marqué ces années de Festival.

« Miss Knife chante Aya Nakamura », de Olivier Py
Ouverture de saison – du 5 septembre au 15 octobre 2022

« Aya Nakamura est la plus mallarméenne des artistes contemporaines. Lorsque j’entends toute une génération reprendre ses refrains pour le moins hermétiques, je me dis que le grand Livre rêvé par Mallarmé est enfin ouvert. Miss Knife, après avoir chanté Olivier Py, chantera donc Aya. Les mots mystérieux de la poétesse vont faire tinter les pendants d’oreille de Miss Knife et faire tourner sa culotte “comme la roue de la fortune“ (une métaphore culotée que j’inventais dans “Les Parisiens“).  Miss Knife va tout bombarder, bom-bom, bombarder ouais. »

 

« Olivier Py, Ensuciaré tus libros con mi mierda » (Olivier Py, je souillerai tes livres avec ma merde), de Angélica Liddell
Du 10 au 20 novembre 2022

« A l’heure où j’écris ces lignes, je ne connais rien du spectacle d’Angélica Liddell, et même pas son titre. J’ai simplement demandé à Angélica qu’elle témoigne dans cette création tout l’amour qu’elle porte à mon œuvre théâtrale et littéraire, comme elle l’a fait pour sa mère. Je partage avec cette artiste le désir ardent de rendre à la parole théâtrale sa puissance d’appel, sa force mystique de transgression. Le verbe d’Angélica va par-delà le bien et le mal. Il tient le réel en quelque sorte, un réel sublimé et en aucun cas provoqué, comme on le lit souvent. »

 

« La Servante » + « Henri VI », d’Olivier Py et William Shakespeare, mise en scène Olivier Py et Thomas Jolly
5, 6 – 8, 9 – 11, 12 – 14, 15 décembre 2022 (durée : 42 heures)

« Je voulais que le jeune public ait la chance de voir ces deux monuments de l’histoire théâtrale contemporaine que sont ma “Servante” et le “Henri VI” de Thomas. Ces deux épopées, présentées à vingt éditions d’intervalle du Festival d’Avignon (en 1995 et 2014), ont été un événement d’ordre messianique pour beaucoup de spectateur-rice-s. Je partage avec Thomas Jolly l’idée qu’une œuvre théâtrale, aussi impossible et dantesque soit-elle, doit pouvoir s’émanciper du destin éphémère qui lui est souvent réservé et devenir ni plus ni moins qu’un évangile connu de toutes et tous. Voilà pourquoi je souhaite que nous adaptions ces spectacles à la scène minuscule de la Py qui fume. Et je n’ai pas peur de mesurer mon écriture à celle de Shakespeare, je rêve très modestement que nos mots s’épousent. »

Les soirées Kleenex de Caroline Guiela Nguyen
Tous les premiers jeudis du mois

« J’écrivais dans “Les Mille et une définitions du théâtre” que la scène doit être “est un morceau de bois qui fait couler les larmes.” J’ai commandé à Caroline une œuvre de larmes dont elle seule a le secret. Elle a concocté une belle anthologie de textes lacrymaux, du mélodrame moderniste au répertoire de Sylvie Vartan. Ce sont des acteur-rice-s amateur-rice-s du conservatoire d’Avignon qui prendront en charge ces lectures, gratuites, ouvertes à toutes les âmes sensibles qui ne veulent plus s’abstenir. »

La presse en parle : « Totalement touchant. Des larmes en barre. On pleure et on se régale en même temps », Marie-Cécile Rivière (Le Pied de Pierrick)

« La Maison de thé » (version acoustique), de Meng Jinghui & Lao She
du 5 janvier au 20 février 2023

« “La Maison de thé” de Meng Jingui est l’un de mes plus grands souvenirs du festival. J’applaudissais les mains levées, dans une salle hostile qui n’a malheureusement pas saisi toute la force esthétique et politique de cette épopée chinoise. J’ai demandé à Meng Jingui, qui a déjà joué dans le OFF, d’adapter le spectacle aux dimensions de la Py qui fume. Une petite roue de hamster sur un guéridon, allégorie des revers de la fortune, remplacera l’imposante structure métallique qui trônait à l’Opéra Confluence. »

La presse en parle : « Le plus mauvais spectacle jamais vu. » (Scenenet.fr)

« Rhône », de Anne-Cécile Vandalem
du 10 mars au 10 avril 2023

« Je disais moi-même que le théâtre était un “fleuve subjonctif”. J’ai commandé à Anne-Cécile une dystopie avignonnaise, une allégorie mystique et politique, L’histoire se passe en 2028, six ans après qu’un talentueux Poète, qui irriguait le Rhône de ses vers merveilleux, s’est vu retirer la direction artistique des festivités locales (« Calissons en fête »). Depuis, une eau noire et poisseuse a envahi le fleuve, toutes les cigales se sont tues, et “Clôture de l’amour” de Pascal Rambert a remplacé “Illusions comiques” au programme du baccalauréat. Les quelques survivant-e-s, qui réussissent encore à pêcher dans le fleuve pollué, sont des familles déchirées, meurtries par un lourd secret. Chaque soir, celles-ci récitent le “cahier noir”, journal de jeunesse du Poète, espérant que le pape dionysiaque fasse son grand retour dans la culture locale. »

« Le Roi Lear », de William Shakespeare, mise en scène Olivier Py
Reprise exceptionnelle hors-les-murs (Cour d’honneur du Palais des Papes), du 4 au 28 juillet 2023