Voyage poétique intergalactique

Nannetolicus Meccanicus Saint

Copyright DR

Le comédien et metteur en scène Gustavo Giacosa, disciple de Pippo Delbono, et le pianiste Fausto Ferraiuolo ont uni leurs forces et leurs arts pour représenter le génie mystérieux du poète italien Fernando Oreste Nannetti, considéré comme une des figures majeures de l’art brut du xxe siècle. Après une résidence de création au Liberté à Toulon, ce qui n’était d’abord qu’une performance commandée par la collection d’art brut de Lausanne devient un spectacle poétique, chorégraphique et musical qui témoigne de la fulgurance créatrice de cet artiste hors norme.

Entre 1959 et 1973, celui qui se surnommait lui-même « Colonel Astral » a gravé sur les murs de pierre de son hôpital psychiatrique des textes stupéfiants. Son œuvre s’étale sur une fresque monumentale de 70 mètres d’envergure : variations poétiques surréalistes, fruits de ses échanges avec les voix des étoiles, entre journal intime, énumérations improbables de chiffres, de mots qui sonnent ensemble comme une musique intérieure et évocation de personnages et de vies imaginaires.

Ce qui fait l’intelligence du duo Giacosa-Ferraiuolo, c’est qu’il combat sans relâche l’idée préconçue de l’artiste dément, obscur et taciturne qui dans sa sombre prison grave avec obsession ses délires dans un élan expiatoire. Ici c’est sous la forme d’un clown solaire que Nannetti nous est présenté, face cachée d’un astre ou reflet de vérité d’un miroir magique. Gustavo Giacosa virevolte dans l’espace et le langage, micro à la main, tantôt dansant, tantôt languissant, empruntant au cabaret sa légèreté. Ses saillies poétiques en italien sont comme des spirales galactiques qui nous hypnotisent et nous fascinent à la fois. Elles sont entrecoupées de lettres de Nannetti adressées à sa famille, imaginées par Giacosa, comme des points de repère contextuels dans la vie de l’artiste servant de tremplins à une nouvelle logorrhée, un nouveau morceau de bravoure. Fausto Ferraiuolo, qui, au piano, dialogue avec lui grâce à sa musique jazz libre et généreuse, semble vouloir être le dompteur de la violence qui parfois s’échappe de cet animal incontrôlable. Ce beau voyage, plein d’espoir, dans la nébuleuse de Fernando Nannetti nous aide à regarder notre propre folie et celle de nos congénères d’un œil plus bienveillant.