Brûlent nos cœurs insoumis naît d’abord du désir des frères Ben Aïm de travailler sur la fraternité et l’insoumission. Deux mots comme points de départ donc, un lien et un refus.
La fraternité se dessine dans des moments très simples, très expressifs, un repas, un bain, un deuil. La simplicité du traitement de ces scènes leur donne une puissance sacrée. L’utilisation d’une lumière très minimaliste qui souvent n’arrive que d’un côté crée des clairs-obscurs d’une profondeur qui évoque les peintures de Rembrandt. Tout à coup, le repas devient une cène, le bain un baptême. La scénographie faite de très peu de couleurs accentue cet effet. Chaque élément est simple et puissant comme une église romane.
Comme dans une vraie fratrie, les moments d’amour, de deuil, sont souvent suivis par un moment de jeu ou de folie. Le spectacle ne se perd pas dans une sacralité pesante, il sait rebondir, faire rire. Certains moments où le corps se fait éperdu empruntent plus à la transe qu’à la peinture classique. Ces contrastes offrent un effet de transgression. Ce n’est pas une insoumission politique dont il est question, c’est l’image d’une insoumission individuelle. Le danseur affirme par le corps, sa liberté.
Cette création naît également du désir de travailler avec Ibrahim Maalouf. Les frères sentaient une proximité entre leur façon de chorégraphier et sa façon de composer. Dans les compositions de Maalouf comme chez eux le minuscule côtoie le dramatique. On passe doucement des petits gestes quotidiens à de grands souffles épiques.
Si les images sont puissantes, il est par moment compliquer de suivre la continuité dans le spectacle. C’est étonnant quand on sait que celui-ci a commencé par un travail d’écriture dramaturgique. Christian et François Ben Aïm ont d’abord écrit et structuré la pièce sur le papier avec Guillaume Poix leur dramaturge. C’est sur cette base écrite que Ibrahim Maalouf a composé. La musique a ensuite permis de commencer le travail chorégraphique. Est-ce cette succession de créateur et d’étapes très distinctes dans le travail qui crée cette difficulté à suivre la continuité ? Peut-être est ce simplement un spectacle à recevoir comme une contemplation, un buffet d’images puissantes où il ne convient pas de chercher de continuité mais bien plutôt une cohérence.