Murmurations

Möbius

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Pour son dernier spectacle, la compagnie XY a fait appel au chorégraphe Rachid Ouramdane, avec lequel elle engage une collaboration renouvelant l’univers du cirque. Mâtinés de danse contemporaine, les portés acrobatiques qui ont fait la célébrité des XY s’enrichissent de mouvements inédits, plus fluides : la verticalité circassienne s’arroge dès lors le droit à l’horizontalité, les corps s’amusent à tomber et explorent leur rapport au sol. Il y aurait dans ce « Möbius », en référence au fameux ruban à une seule face, un entremêlement fécond des disciplines qui n’en formeraient plus qu’une, rassemblées dans ces interprètes dont la vérité de mouvement se situe au-delà de la danse ou du cirque. Mais on peut également y discerner l’entremêlement des corps eux-mêmes, qui tour à tour ne forment plus qu’un ou existent à échelle individuelle, comme à l’état d’atomes. Alors, ils s’élèvent, s’envolent puis se laissent rattraper par d’autres, se rassemblent et se détachent dans un mouvement continu, rappelant ce qu’on appelle les murmurations, ces nuages d’oiseaux qui tournoient dans le ciel. En résulte une poésie de la légèreté, une ode au « devenir-animal », selon la formule de Gilles Deleuze, qui s’exprimerait ici non seulement dans l’apparaître mais surtout dans l’être. Non pas voir des hommes en oiseaux, mais l’expérimentation d’un être-oiseaux au pluriel, redessinant dans l’espace clos de la scène la même sensation de beauté et d’infini que l’on peut avoir en regardant un mouvement aléatoire provoqué par la nature, auquel s’ajoute l’admiration devant la grâce et la prouesse physique des artistes.

« Möbius » apparaît bien comme ce ruban à face unique où tout semble rassemblé l’espace d’un moment, l’individu et le collectif, la nature et la culture, le dehors et le dedans, faisant oublier toutes les contradictions et toutes les pesanteurs. Alors, nous volons avec ces dix-neuf acrobates d’espace en espace, dans un temps de toute éternité.