Décalément, décalément

Amou Tati, la dame de fer

Amou Tati

D.R.

#BonPlan. Michelle vous refourgue du manioc d’Abidjan qui vient de Washington pour une poignée de francs CFA, chaque jour au Pandora dans le one-woman-show « Amou Tati, la dame de fer », écrit et joué par Tatiana Rojo et mis en scène par Eric Checco. Michelle est la « dame de fer », mère ivoirienne de quatre filles à qui elle a tenté d’enseigner la parabole biblique « Fouette avec un gros caillou celui qui te frappe la joue droite ». Quand ses filles, qui n’ont rien retenu de ses leçons, s’entichent d’hommes tout à fait grotesques, Michelle prend son chapelet et demande des miracles à Dieu, dans un numéro de drama queen hilarant, à grand renfort de tchips, mimiques et attitudes empruntées aux divas d’Abidjan. « Amou Tati », c’est une farce un brin mélo avec des morceaux de coupé-décalé, et des punchlines en nouchi dont le ton démesuré me fait mourir de rire. « Esprit mauvais, esprit d’esclavage, je vais la chicotter », s’exclame Michelle quand elle apprend que sa fille Amou Tati fait de la randonnée avec son compagnon François le Français, dans une forêt de serpents où les Bétés s’adonnent à des rites initiatiques et où rôde un masque yacouba qui peut vous rendre aveugle : car François le Français « veut faire un avec la nature ». Michelle déroule une histoire probablement mensongère qui sert sa piquante satire de caractères : il est temps d’exorciser sa fille avec l’aide de prêtres gifleurs.

Michelle ne connaît pas la déprime, vit de débrouilles, elle a même pris un crédit chez la dame « qui vend cubes Maggi », achète le « poisson pas cher avec 4 400 arêtes ». En plus de nous faire rire d’un rire gras et voltairien, elle fait la chronique sociale et subversive des « manioqués ». Et quand on lui rabâche l’esprit rousseauiste des Lumières, elle réplique avec son name dropping à elle les noms de « Soundjata Keïta, Amadou Hampaté Bâ ».