Rose Célavie (DR)

Vous avez participé à la dramaturgie du “Britannicus” de Stéphane Braunschweig, monté à la Comédie Française cette saison. Quelle est la spécificité de cette mise en scène ?
Lire le passé à l’aune du présent, voilà sans doute ce que Stéphane Braunschweig sait faire mieux que quiconque : il pose regard affûté qui renouvelle la lecture des textes pour nous les faire réentendre. Il a un respect absolu des mots et de l’auteur, une vision de l’espace où se déploie le verbe. Je dirais que l’intention qui a été la nôtre c’était de mettre en valeur le pouvoir des mots, de la parole sur le réel. Et on n’avait pas joué “Britannicus” au Français depuis au moins dix ans…

La dernière était celle de Brigitte Jaques-Wajeman, très politique ?
Il y a eu les mises en scène de Jean-Pierre Miquel en 1978, Jean-Luc Boutté en 1990 et en effet Brigitte Jaques-Wajeman en 2004. “Britannicus” est un tissu d’intrigues entre professionnels de la politique ! (rires). Leurs ambitions affichées sont étroitement mêlées à la sphère intime par les liens filiaux, par les haines ou les amours qu’ils se vouent. Racine choisit un épisode particulier de l’histoire romaine, ce moment où émerge un monstre, Néron, véritable héros d’une œuvre qui porte en fait le nom de sa victime. C’est le récit d’une prise de pouvoir dont les ressorts sont contenus dans la personnalité du jeune empereur.

D’où vient cette dimension très “psychanalytique” que l’on sent imbiber toute la pièce ?
Du texte de Racine lui-même ! “Britannicus”, comme dirait Pierre Bayard, c’est le plagiat de Freud par anticipation. On trouve tous les tropes de la psychanalyse dans la pièce, du rapport entre Eros et Thanatos à la dialectique pulsion de mort/jouissance incarnée ici par le personnage de Néron (joué par l’excellent Laurent Stocker), en passant par les relations à la mère, à la possessivité… Ce sont des thèmes récurrents que j’aime bien, à titre personnel, explorer ou redécouvrir dans le théâtre classique.

D’ailleurs, pour glisser sur votre propre parcours, vous avez un profil étonnant, puisque le théâtre n’est pas votre profession première… Comment en êtes-vous arrivée là et comment conciliez-vous les deux univers ?
Oui, malgré ma passion dévorante pour le spectacle vivant, qui me demande de m’investir chaque année un peu plus dans mes projets scéniques, je n’ai pas arrêté mon travail à la communication chez Engie IT. Ca peut paraître un peu schizophrénique, mais les deux activités se nourrissent l’une l’autre. Lorsque je suis sortie de mes études, après un master de communication à l’université de Lorraine à Nancy, j’ai eu l’opportunité de rentrer dans un grand groupe industriel avec un poste qui contenait sur le papier tout ce que je cherchais. Je me suis sentie capable de combiner ce travail exigeant avec le théâtre, qui à l’époque était déjà beaucoup plus qu’un hobby. Et, pour l’instant, il me semble que j’aie réussi ! (rires)

D’où le besoin de prendre un pseudo ?
Oui, je ne voulais quand même pas totalement mélanger les genres… Et puis c’était un petit clin d’oeil à Marcel Duchamp dont je suis fan depuis toujours.