Nouvelle collaboration de la danseuse-chorégraphe Marion Lévy, ancienne interprète d’Anne Teresa De Keersmaeker, et de la dramaturge-écrivaine Mariette Navarro, « Training » est un spectacle dans l’air du temps. Seule en scène, Marion Lévy pénètre sur le plateau en jogging, cheveux lâchés, prête à s’échauffer comme dans un vieil épisode de « Fame », quand, après quelques étirements et quelques pas, la mécanique se grippe. Furieuse contre elle-même, la danseuse se transforme alors en une sorte de créature hybride en tailleur strict, mi-directrice des ressources humaines en burn-out, mi-maîtresse de ballet tyrannique.
Si on parle de l’air du temps (et cela n’est pas à prendre dans le mauvais sens du terme, bien au contraire), c’est parce que les thèmes abordés par Marion Lévy et Mariette Navarro répondent admirablement aux questions qui sont sorties des milieux artistiques, intellectuels ou militants ces dernières années pour atteindre un public plus large. En se concentrant sur l’image de cette danseuse qui se retourne contre elle-même, Marion Lévy donne à voir les pressions et les humiliations que les femmes, jeunes ou moins jeunes, subissent dans des milieux ultracompétitifs. « Training » se pose alors comme un plaidoyer contre : contre la course à la minceur, contre la tyrannie de la jeunesse, contre les objectifs inatteignables qu’on se fixe dans un monde gangrené par la soif du « toujours plus ».
Avec beaucoup d’humour, Marion Lévy croque ces femmes au bord de la crise de nerfs en faisant ce que Mariette Navarro qualifie d’« entorses au sérieux ». Contre le « toujours plus », « Training » oppose et propose le lâcher-prise. Parce qu’il y a un gros ras-le-bol de devoir faire joli, bien peigné, élégant et sans déborder, Marion Lévy suggère de faire, tout simplement, comme on peut. Mieux encore : comme on veut. Et c’est revigorées, parce qu’elle ose l’accomplir sur scène, que nous, spectatrices, sortons de la salle en nous disant : voilà la solution ; attrapons cette main tendue et, nous aussi, faisons comme nous voulons.