"Que demande le peuple ?"

Réponse de Laurent Brethome

Derrière ce quatrième mur il y a deux personnes qui n’ont pas d’âge. Ou qui plutôt ont tous les âges de la vie le temps d’une représentation. La femme s’appelle Jeanne et l’homme se nomme Georges. Ils n’ont jamais été au théâtre de leur vie. Ils ont été, sont et seront mes grands-parents. Ils sont là pour voir ce que c’est « en vrai » un acteur. Ils sont ouvriers et musiciens et galériens. Pour eux un sou est un sou et être spectateur c’est être les premiers acteurs de la représentation. « Il en faudra pour son argent », comme disait grand-père, et « Il faudra pas qu’on s’y embête », comme disait grand-mère. À travers Jeanne et Georges il y a moi. Premier spectateur privilégié de ce qui se passe sur scène. C’est moi qui dois décider la manière d’ouvrir et de fermer la vitre du quatrième mur. Je ne vais pas attendre sagement que les « acteurs/spectateurs » de cette représentation prennent place sur les sièges. Si je peux, je vais aller les chercher à l’extérieur du théâtre. Je vais les prendre par la main et leur souffler à l’oreille que derrière le mur il n’y a aucune réponse, il n’y a que des questions. Puis je vais prendre une bombe de peinture et je vais inscrire en lettres de boue sur le mur : « Le théâtre est une chose pas sérieuse que l’on doit faire très sérieusement. »