Cher monsieur Antonin Artaud,
Voici mon problème. Je suis un de vos clients réguliers. Dernièrement j’ai redownloadé « Pour en finir… » via Internet, Amazon, ebook no 13. Pour des raisons psychiques (opération qui n’était pas prévue et est urgente), je dois absolument rester éveillé. Il y a un an, j’ai eu un employé du SAV de Théâtre en France au téléphone, lequel m’a signifié que je n’avais pas pris d’assurance, ce que je sais, mais que c’était possible en payant 100 euros supplémentaires par saison, ce qui ne me dérange pas. Depuis j’essaie désespérément. Mais non. Mais quand même. Ne mentez pas. Vous grognez. Je vous entends. Je vous ai vu, un certain mois de juillet 2011, opéra-théâtre d’Avignon, je vous ai vu grogner, devant le gigantesque portrait du Christ qui vous fixait, face à ce père en phase terminale en train de se vider devant son fils dévoué, je vous ai vu grogner, encore, plus tard, aux spasmes d’Hamlet en porte-voix, et vous grogniez à la morsure concrète des « Blasted » de Sarah Kane, mais aussi – il y a une nouveauté – aux cris et modulations étonnantes des candidats de « Fort Boyard » – vous grogniez – et d’abord je vous ai vu, dans un théâtre-gourbi du Val-de-Marne, vous grogniez en sautillant, aux états de contractions de votre Suicidé. Il y a un mois, Théâtre en France, j’y suis allé, à l’une des adresses de son siège social, qui m’a envoyé au 3 de la même rue, qui m’a envoyé à l’agence Promo Events de Bonne-Nouvelle, qui, elle, m’a dit ceci : vu que vous vous nourrissez aux imprécations spasmodiques, aux conflagrations inouïes de forces et d’images, au geste de la vie même, à la vieille efficacité magique, à l’opération authentique immersive du théâtre vivant, nous ne pouvons absolument plus rien faire pour vous. Et ils m’ont conseillé de chausser les lunettes actives 3D, d’enfiler le casque de réalité augmentée Project Morpheus avec un Field of View panoramique de 210°, de me plonger dans « Final Fantasy VII », ou d’aller vivre dans un hangar ou une grange quelconque. Ça devient ridicule. Je ne suis pas loin de me dégonfler, de me soumettre ad nauseam à la longue habitude des spectacles de distraction, et de ne plus jamais faire appel à vos services. Veuillez, SVP, monsieur Artaud, me recontacter de toute urgence à soli/ane.com pour régler mon problème, puisqu’il est absolument impossible de vous joindre.
Bien cordialement