Maxime Kurvers : « Qu’est-ce qu’on attend ? »

S’il y a quelque chose à attendre pour moi, et de manière impérieuse, c’est l’art. Et en réalité je crois qu’il y a beaucoup d’égoïsme, ou tout du moins de la méprise, à attendre autre chose de l’art que l’art lui-même. Car si l’on attend vraiment de l’art qu’il puisse nous sauver, il faudra commencer par s’occuper de lui et des coordonnées toujours inédites qui le définissent : c’est-à-dire accepter son incessante refiguration autour de nouvelles beautés. En ce sens, je crois qu’il nous faudra chercher une nouvelle manière de faire, une manière douce, amicale, de parler aux gens, loin de toute injonction ; essayer de ne pas trop jouer au camelot de l’art et tenter de mieux goûter à sa pauvreté pour ne rien présupposer de nos attentes et de ses effets ; avoir la volonté de passer au-delà des principes d’assentiment et de ressentiment forcés pour créer de nouvelles alliances basées sur une intellectualité commune, équitable et souveraine. Prendre tout le monde au sérieux donc. Et je crois que cela sera long et difficile. Car avant toute chose, ne réclamer aucun effet en est un, peut-être le plus frappant qui soit ; et n’avoir le désir ni de démontrer, ni d’étonner, ni d’amuser, ni de persuader est déjà trop souvent une injonction. Et pourtant, si cette nouvelle manière pouvait poser par elle-même un rapport plus égalitaire, aristocratique avec tous, où forme et idée travaillent ensemble en un même temps, je pense que l’on toucherait là certainement au début d’une nouvelle séquence pour l’art d’aujourd’hui, belle et exigeante.

Alors c’est peut-être cela qu’on attend, joyeusement, mais d’une joie endeuillée. Car quelque chose sera à enterrer d’où l’on vient : de cette séquence-ci qui tarde à finir, de son cynisme humiliant, de sa propre publicité mise sous forme de scandales. Qui sera d’accord alors d’en sortir ? Qui pour faire alliance ? Ou peut-être aussi que la modernité n’est toujours pas passée : puisque ça fait depuis Schoenberg au moins (ou Malevitch, ou…) qu’on nous annonce répétitivement le crépuscule de l’art… Ce qui est faux évidemment : il nous manque seulement – et aujourd’hui encore – de ne pas accepter largement les autres beautés, les compliquées, les non spectaculaires, les outrancières, les prosaïques, les étrangères. Prendre tout le monde au sérieux donc. Ou qu’on foute le feu au Louvre alors, tout de suite, si on a peur de ce qui est beau.