Vous lisez le dernier numéro d’I/O.
Pour ceux que la tristesse prend à la gorge et dont les larmes pudiques irisent la joue gauche, rassurez-vous, l’espoir renaît en deuxième partie de ce « Focus » (spoiler alert : l’aventure continue à la rentrée).
En attendant, on me dit qu’il est de bon ton de dresser un bilan, comme on dresse un couvert. Alors je récapitule.
I/O est né.
I/O est venu au monde pendant une nuit blanche de juillet, le 5, très précisément, dix-septième jour de messidor et aussi jour de la groseille (?!).
I/O, avec un grand sens de l’à-propos, s’est tout de suite mis au frais dans l’enceinte de la Maison Jean Vilar.
I/O a grandi sous la toise, pour atteindre sa taille définitive : 20 numéros, 320 pages, 196 critiques sur 98 spectacles du IN comme du OFF, écrites par une trentaine de rédacteurs de tous poils.
Perfusée de 3 650 litres de café et d’une passion ineffable pour la scène, cette joyeuse bande de drilles théâtrophiles a résisté, tant bien que mal, aux assauts de l’épuisement, de la chaleur et du mauvais goût.
À 11 heures, chaque matin, le « jeu de la palette », place de l’Horloge, est devenu un rituel chamanique et sportif. Si vous n’avez jamais eu la chance d’y assister, vous avez manqué là l’un des plus beaux spectacles du festival, ballet de jambes et de bras téméraires…
Sur les terrasses de café à l’heure du Pac à l’eau, dans les files d’attente sempiternelles et languissantes, dans les chambres d’hôtel entre des draps froissés par une nuit de moiteur et de stupre, I/O a surpris, égayé, déconcerté, stimulé, agacé, tonné, détonné, circulé, aéré, endormi, lassé, délassé, vexé, blessé, déçu, déridé, illuminé, enthousiasmé…
« Il faut qu’un vienne et dise : Voici, ainsi sont ces choses.
Pourvu que ceci soit montré, qu’importe celui qui peut dire :
J’ai fait la lumière.
Et la lumière, aussi bien, n’est à personne. »
Si j’invoque ici les mots de René Daumal (je vous exhorte à lire son « Contre-ciel », il vous reste le mois d’août pour remplir la béance), c’est que I/O est venu et a apporté son modeste éclairage sur la scène d’Avignon. Oh, pas une lumière de Buisson ardent ou de Pentecôte. Certainement pas une lumière d’Évangile.
Des étincelles, plutôt. De quoi allumer une clope aussi bien qu’un feu de forêt.
De quoi contribuer à brûler les planches du théâtre qu’il aime.
Car I/O a été un conducteur de flux, oui ! I/O a créé des cortèges, fermé des guichets, fait frissonner l’échine de quelques attachés de presse et chargés de diffusion !
(« Des frissonneurs d’échine, non mais pour qui se prennent-elles, ces bleusailles impies ? » Pour une remise en perspective, voir « L’Humeur » en page 6).
J’entends au loin le bruissement des esprits tourmentés ou jaloux : « I/O l’île des vains n’est plus qu’un sombre écueil ! » Qu’ils retournent dans leurs aubes navrantes, leur lune atroce et leur soleil amer ! I/O n’est pas le radeau des médusés. I/O est déjà demain (principe no 1 : aujourd’hui n’existe pas, voir spoiler alert plus haut).
Car, si vous en doutiez, I/O est beaucoup plus qu’un journal.
I/O est un égrégore.
« Un quoi ? »
Un égrégore, je vous dis !
OK, je vous wikipédis l’idée générale : « Un égrégore est un concept désignant un esprit de groupe, une entité psychique autonome ou une force produite et influencée par les désirs et émotions de plusieurs individus unis dans un but commun. » (Merci à Toto Hugo pour cet hapax qui a fait florès.)
I/O, l’égrégore éphémère des festivals !
Un grand merci à tous nos lecteurs, fidèles ou infidèles, festivaliers et badauds. À tous ceux qui ont plongé dans le cambouis, rédacteurs, photographes, correcteurs, livreurs et tracteurs. À tous ceux qui nous ont soutenus, partenaires, mécènes et sympathisants. Puissions-nous continuer de voguer ensemble, d’une scène à l’autre, dans les archipels sidéraux !