Depuis juin 2016, le Phénix de Valenciennes est l’heureux détenteur d’une appellation qui vient soutenir un travail ambitieux engagé depuis 2009 par Romaric Daurier, son directeur. Il s’est fixé comme objectif de devenir un laboratoire d’émergence pour les jeunes artistes français dotés d’une notoriété internationale.
L’idée est d’articuler de manière innovante les différents maillons de la chaîne de production-diffusion-médiation avec les équipes artistiques et les partenaires publics. De même, à travers son Campus, de repérer, d’accompagner l’émergence des nouveaux artistes, tant dans leur développement dramaturgique que dans leur production ou leur diffusion internationale. Ce pôle européen de création reçoit le soutien de Valenciennes Métropole, de la Région Hauts-de-France et du ministère de la Culture et de la Communication. Le budget déposé et porté par le Phénix se monte à 8,7 millions d’euros pour la période 2016-2020. Il s’inscrit dans le programme « Europe Créative » et dépend du dispositif Interreg V. Il s’inscrit aussi dans Euro Live Value, un réseau qui offre des collaborations inédites, des échanges et une diffusion intéressante.
Constatant d’expérience plusieurs manques, le Phénix agit sur différents axes. Il commence par sécuriser financièrement les compagnies en affectant 120 000 euros annuels par équipe, ces moyens pouvant s’articuler sur deux années, le temps usuel d’une production. La Caisse des dépôts, actionnaire de la société d’économie mixte du Phénix, projette même la création d’un fonds de garantie pour l’émergence. Ensuite, il s’est agi de rationaliser les dépenses en visant l’emploi artistique : possibilité de travailler sur les plateaux du Phénix dans la durée, prise en charge des hébergements, de la logistique, de la technique… Est prévu à Valenciennes un accompagnement, à travers un poste de chargé de production et de diffusion dédié aux trois compagnies bénéficiaires de ce dispositif, à savoir l’Amicale de production, Julien Gosselin et récemment la compagnie de cirque XY.
Vient le temps de la médiation avec un cluster recherche numérique-innovation-édition à travers une Web TV interne, des émissions pédagogiques sur le Web en partenariat avec theatrecontemporain.net, mais aussi la captation audiovisuelle professionnelle des créations. S’ajoute à cela une action volontariste en faveur de l’édition rassemblant textes critiques inédits, portfolios, entretiens avec les artistes, sans oublier le projet numérique pilote à l’échelle internationale intitulé « Rekall ». Le tout est parachevé par deux événements annuels : les Cabarets de curiosité et le festival NEXT, organisés ou coorganisés par le Phénix, et qui sont des moments de visibilité valorisant les productions du pôle. Le Campus étant, quant à lui, un laboratoire de création qui permet de repérer les nouveaux entrants et de leur laisser la place, en complicité avec les équipes associées. Il propose une résidence de préproduction pour dix jeunes artistes par année…
On le voit, ambitieux et particulièrement bien pensé d’un bout à l’autre de la chaîne, le Phénix a de quoi faire des envieux… Pour cette édition du Cabaret de curiosités lié à ce projet de pôle européen, trois jeunes artistes ont par exemple bénéficié d’un soutien : Julien Herault, en résidence à l’Espace Pasolini de Valenciennes, qui ne s’attendait pas à être à ce point déstabilisé par une fuite impromptue en Islande et qui met à l’épreuve sur scène cette « altérité radicale » qui anime les habitants de ce pays du Grand Nord. Rébecca Chaillon, connue pour ses performances féministes engagées, qui s’attaque au football féminin et aux préjugés qui l’accompagnent. Verra-t-on les filles des Dégommeuses sur la scène d’Aulnoye-Aymeries, où elle est en résidence ? Mystère. Enfin, le danseur et chorégraphe Cédric Orain a, quant à lui, posé son abécédaire de Gilles Deleuze à Aulnoy-lez-Valenciennes… Commencera-t-il par la lettre « E » comme « Europe » ?… Il faudra aller le voir.