Sur la grande scène des Amandiers, une mer sombre d’où émergent des formes abstraites, comme autant de corps engloutis. Un oreiller futuriste est déposé sur chacune d’entre elles : les spectateurs, qui entrent en silence et un par un dans l’espace, sont invités à y reposer leur tête et à s’allonger. Le « Pillow Talk » – littéralement « conversation sur l’oreiller » – peut démarrer, sauf que l’interlocuteur est une intelligence artificielle. La conversation prend des atours beaucoup plus épineux : peut-on se confier à un ordinateur ? Quelle émotion se libère, quelle autre se frustre ? Personne n’entendra ce qui est dit : c’est un petit cadeau que Begüm Erciyas offre au visiteur égaré. Si le dispositif de « Pillow Talk » est épatant par sa délicate scénographie autant que pour l’idée dystopique d’être réconforté par un robot, il reste pourtant confronté à un problème : les intelligences artificielles ne sont pas totalement au point ; difficile d’engager un vrai échange. D’où une certaine frustration : l’installation reste un peu précaire pour des raisons scientifiques et économiques plus qu’artistiques. En filigrane, elle souligne peut-être notre a priori fantasmatique de la technologie : une chose est sûre, on n’est pas encore dans « Her ».
Techno-cocon
Pillow Talk