© Jean-Louis Fernandez

Il y a quelques années, Christine Letailleur avait gagné le pari du théâtre épistolaire dans son adaptation prenante des « Liaisons dangereuses. » Mais les lettres de Laclos, écrites au plus proche des corps, étaient indéniablement une matière théâtrale. Celles de Julie de Lespinasse n’ont pas la même densité. Car si leur autrice proclame son hostilité aux conversations de salon qui n’engagent pas l’âme et le corps, sa langue n’en demeure pas moins rationnelle, limpide, trop calibrée pour être ouverte par la scène. Malgré sa justesse, Judith Henry n’arrive pas à précéder dans son incarnation les émotions déjà écrites sur la page. Elle ne tord pas assez la lettre et a du mal à s’engager dans la dramaturgie linéaire du déchirement et du crépuscule tissée par Christine Letailleur. La belle inventivité des lumières, bafouée par l’illustratitivé des projections vidéos très poussiéreuses (lâchers de colombes en 2D…), ne suffit pas à hisser ce spectacle au-dessus du secret d’histoire (voix-off narrative à l’appui) qu’il paraît être, possédant pour principal mérite de nous faire découvrir une femme retenue par les livres d’histoire comme la grande amie de d’Alembert. Une sortie d’ombre en somme. Mais nous attendons au théâtre bien autre chose qu’une mise en Lumière.