DR

C’est un texte qui vient de loin. De l’enfance. Du fond de l’âme. Shahada signifie être présent, être témoin, attester. Par extension, le témoignage est devenu la profession de foi musulmane, premier pilier de l’islam, puis le martyr. Fida Mohissen a été chercher ce texte au fond de son âme. C’est une plongée dans les souvenirs de sa vie pour comprendre ce qui a pu faire naître chez le jeune Syrien, qui a quitté son pays natal pour la France, la tentation de l’enfermement dans le dogme religieux, puis sa progressive libération. L’auteur qui joue son propre rôle vient raconter au public son enfance en Syrie, le djihad en Bosnie, son arrivée à Paris, ses expériences théâtrales. Il dialogue avec un autre acteur qui joue le jeune homme qu’il n’est plus. Certaines phrases claquent au visage. Par exemple, celle-ci au moment des attentats du 11-Septembre : « Je suis juste un peu déçu qu’il n’y ait pas plus de 3 000 victimes. » Puis juste après, alors qu’il se met à douter de sa foi : « A partir d’aujourd’hui, je ne suis plus musulman, je décide que je peux boire de l’alcool. » Elles peuvent choquer le spectateur occidental du festival d’Avignon, mais elles sont aussi criantes de sincérité. Mohissen est transparent sur ses doutes, ses colères, ses joies, son désir, son lent passage d’une culture à une autre. Ce qui nous emporte, c’est la parole (texte et incarnation) authentique, courageuse, émouvante qui permet à Fida Mohissen de venir rejouer,  grâce au théâtre, sa propre vie devant nous.