(c) Jean-Louis Fernandez

Pour cette nouvelle création en tant que directeur du Théâtre National de Strasbourg, Stanislas Nordey reste fidèle à son projet de défense des écritures contemporaines en s’attaquant à un texte énigmatique de Christophe Pellet. Une réalisation maîtrisée et aboutie, à défaut d’être captivante.

À l’image de la personnalité qui donne son titre à la pièce, Eric von Stroheim est un texte plein de faux-semblants : une langue faussement naturelle, des espaces faussement indéfinis, des personnages faussement évanescents. N’y pas tomber demande un œil aguerri, et ce n’est évidemment pas Stanislas Nordey, grand boulimique des écritures aujourd’hui et connaisseur de l’oeuvre de Christophe Pellet, qui s’y laisserait avoir. À partir de ce texte dont la langueur construite dégage un sens qui lui est propre, le directeur du TNS accouche donc d’un spectacle d’une grande beauté formelle, dont les moindres détails nous rappellent à la maîtrise d’un metteur un scène aguerri, respecté, et féru d’explorations dramaturgiques.

Mais cette propreté clinquante, cependant, est aussi la principale faiblesse de cet Erich von Stroheim. Flagrante dès l’apparition de ces décors habillés de projections ou du corps nu et ciselé de Thomas Gonzalez, elle finit finalement par se transformer en un formalisme lénifiant, que l’accumulation du sens rend pesant. De même de la direction d’acteur, dont on comprend pourtant qu’elle prend habilement le contre-pied du naturel apparent de la langue de Pellet et ne veut pas se fourvoyer dans un excès de psychologie : celle-ci se met trop rapidement à sonner comme un chant, destiné, certes, à distancer les acteurs de la langue pour mieux la faire résonner, mais qui prive le spectateur de toute empathie. Ainsi, les personnages d’Erich von Stroheim finissent alors par manquer cruellement d’humanité, d’immédiateté, de concret, et finissent par sembler si loin de nous, enfermés dans ce théâtre où l’incident n’existe plus, qu’il devient presque impossible de s’en soucier.