DR

Convaincante et inattendue est la proposition de l’irlandaise Oona Doherty, qui commence par nous déplacer dans le parking du Centre Pompidou, où l’ambiance glauque et blafarde des néons reconstitue parfaitement le biotope british prolo-trash que la danseuse se réapproprie en une série de postures détournées : jetée au sol par une voiture qui surgit à tout berzingue, sur fond de dance des années 90, la danseuse en survet’, dégaine de petite teigne macho à l’accent cockney (version irlandaise), mâchoire en avant et main dans le froc, surgit et captive instantanément : sa présence entrelace étrangement nervosité physique et précision classique, virilité et délicatesse. De retour sur la scène, dans une pénombre rouge, sur fond d’un Bronski Beat qui n’explose jamais, son corps et son visage, tendus à l’extrême, exécutent un bal de figures masculines, faisant éclater, sous l’agressivité du corps dominant, rouleur de mécanique, des zones de fragilité. On ne reconnait plus ces poses machistes, pourtant familières, quand celles-ci sont traversées par des éructations : rendues bizarres, curieuses, hors-normes, ces attitudes bien connues deviennent vulnérables et un peu ridicules. Déroutante, Oona Doherty cultive l’indétermination, celle de son corps gracieux et maîtrisé sous son jogging informe, celle des enregistrements de bar – des beuglements confus de mecs bourrés. On est entre Ken Loach et Blur, sous un ciel gris détrempé, et l’atmosphère de tension poisseuse laisse planer une gravité plus sombre qu’il n’y parait.