Promenons-nous dans les bois

Épouse-moi, tragédies enfantines

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Avec « Épouse-moi, tragédies enfantines », Christelle Harbonn et la compagnie Demesten Titip s’emparent des questionnements de la jeunesse au sein d’un drame où personne ne sera épargné. Des parents enfermés dans une vie absolument étriquée à Blandine qui préfère abandonner l’amour pour se chercher ailleurs, en passant par Adrien en quête (vaine) d’un sens à sa présence au monde, tous les personnages se heurtent au désir d’une liberté qui leur échappe et dont ils ne parviennent pas à saisir les contours.

Il leur faudra une tragédie pour s’extirper de la torpeur quotidienne d’une petite banlieue suburbaine bordée par une forêt de conte, où toutes les maisons se ressemblent ; la tragédie, qui vient précisément révéler la possibilité de sursaut, de changement, qui peut dévoiler l’humanité de l’homme sous son vernis quotidien lorsque celui-ci vient à craquer de manière irrémédiable. Dès lors, Blandine, Adrien et les autres s’entrechoquent sur ce plateau où l’on distinguera un onirisme qui n’est pas sans évoquer celui d’un Joël Pommerat ou d’un Wajdi Mouawad, à la lisière du fantastique et de l’épopée contemporaine. Portée par des comédiens d’une grande justesse, avec une mention spéciale pour la jeune Blandine Madec, incarnant le personnage éponyme, l’écriture de Christelle Harbonn et de la compagnie Demesten Titip se révèle d’une implacable lucidité sur l’enfermement et sur ses conséquences désastreuses, mais également sur les moyens d’y résister et de croire encore. Jouant de l’ambivalence du tragique et porté par une mise en scène ingénieuse, « Épouse-moi, tragédies enfantines » nous pousse ainsi dans les retranchements les plus sombres et les plus lumineux de cette quête de liberté qui nous concerne tous, en nous montrant des personnages qui assument leurs décisions jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences. Une expérience douce-amère, où l’on côtoie le désespoir sans pour autant s’y attarder, où la tragédie se fait aussi légère que ces suspensions d’étranges branchages qui peuplent le ciel de la scène, certes un peu inquiétants, mais qui laissent voir loin au travers.