HOUSE crédit Simon Gosselin

Dans sa « Poétique de l’espace » Gaston Bachelard s’est attelé à définir ce qu’habiter veut dire. Le philosophe décrit avec sensibilité les espaces de la maison qui dessinent une topographie de nos intimités. Du dedans au dehors puis du cosmos au tiroir de la commode, la réflexion circulaire donne à penser le foyer comme l’endroit dont on part et vers lequel, irrémédiablement, on revient. Amos Gitai a lui aussi, dans son travail documentaire, filmé avec acuité les tensions à l’œuvre quand il s’agit d’évoquer puis de posséder sa maison. Que ce soit celle où l’on grandit, celle de ses pères, ou celle que l’on choisit pour y protéger sa famille, à Jérusalem plus qu’ailleurs, la maison est l’épicentre explosif des conflits passés et possibles. Et ici plus qu’ailleurs, la notion de propriété semble tout à coup relative. Sur scène, de nombreux personnages défilent chargés de leurs exils, comme cette archéologue qui s’adresse à nous pour souligner que l’Histoire est avant tout un millefeuille à explorer, des couches qui se superposent sans s’annuler. L’archive est pour Amos Gitai le socle de la culture.

Sur scène, de hauts échafaudages et des tailleurs de pierre qui rythmeront par le bruit sourd de leur travail toute la représentation. Après la destruction, vient le temps de la reconstruction et de l’agrandissement ; le tout est de savoir sur quelles ruines se fondent les nouveaux murs et, bien plus encore, à qui appartient la maison. C’est par des histoires personnelles que se tisse la dramaturgie, pas toujours très limpide, entre les Palestiniens, les familles historiques de Jérusalem, les Juifs de la diaspora qui franchissent le cap de l’Alya, tous égrenant leurs souvenirs ou feuilletant des albums en noir et blanc. Si la réflexion sur la maison comme noyau primordial de toutes les tragédies qui frappent cette région du monde est pertinente, la mise en scène manque de théâtre et à la longue d’émotion. La distance imposée par le metteur en scène laisse le spectateur dans un rapport uniquement cérébral alors même que les histoires racontées sont pétries d’affects. Notons la présence salutaire de la musique, jouée live par deux musiciens perchés en haut des échafaudages et la grâce du chœur qui vient réchauffer par la clarté des voix cette proposition qui manque de chair. Reste à nos oreilles l’excitation des langues qui se mêlent harmonieusement alors que persiste sous nos yeux l’impression tenace que le conflit israélo-palestinien s’enlisera encore longtemps.