En 1982, Steve Paxton crée à Rome « Bound ». Le chorégraphe américain est déjà perçu alors comme le père fondateur de la danse « contact », c’est-à-dire une danse connectée avec le présent. Plus de trente ans après, Paxton opère une transmission. C’est à Jurij Konjar que cette pièce cruellement actuelle revient au théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d’automne.
« Bound » est une pièce d’actualité. Elle l’était en 1982 et l’est encore en 2015. Dans une allégorie de maison ponctuée d’éléments disant l’Amérique (un rocking-chair, un berceau en bois), un homme accoutré d’un bonnet de bain et de lunettes noires est en chemin. Le danseur a autour de lui un carton en guise de voiture et il entre dans le geste. Une danse circulaire, très ancrée dans le sol, où la fluidité des mouvements ne tolère aucune rupture. Sa danse est la seule façon de faire le lien entre les époques : guerre de Sécession, conquête de l’Ouest, guerre froide. Autre force du spectacle, celle d’intégrer, dès 1982, de la vidéo et une forme de danse très théâtrale.
Donner à voir une ancienne pièce, la transmettre, est classique en danse. Le « Legacy Tour » de Cunnigham en 2009 est un exemple parmi mille. Cela est norme depuis que Boris Charmatz a nommé le CCN, qu’il dirige à Rennes, le « musée de la Danse ». Comment archiver le vivant ? En transmettant et en continuant à danser. Boris Charmatz est celui qui a institutionnalisé cette pratique. Récemment est entré au répertoire de Garnier son « 20 danseurs pour le xxe siècle », qui offre un panel exact de ce qu’a été la création chorégraphique au siècle dernier. Il s’agit de donner à voir à l’identique dans les pas d’un autre. En 2013, Dominique Brun a permis au public français de voir « Le Sacre du printemps » tel qu’il a dû être présenté en 1913. En danse, l’archive est vivante.