Insurrection poétique

Un homme debout

D.R.

D.R.

Assis au sol, les jambes repliées devant lui, David Valère récite un extrait du « Cahier » de Césaire face à la lumière. Soudain, une chanson de Francky Vincent interrompt la récitation, elle est suivie d’une publicité sur l’île de la Martinique. Ses femmes, ses plages. Déflagration.

Le comédien doit des explications, il les donne. D’abord, clarifier les mots de Césaire qui échappent au spectateur puis l’aider à cheminer. Amical et vibrant, Valère nous prend la main. Il s’étonne d’un vers, « les sodomies monstrueuses de l’hostie et du victimaire », pour extraire sous nos yeux son caractère brutal et nécessaire. Rien n’est lisse à Fort-de-France, « la grande nuit immobile », celle de la colonisation, n’a pas fini de parler. Elle ne doit pas se taire.

Allongé, prostré, le comédien apostrophe, ordonne puis déclame l’enfance, les saisons martiniquaises, le quotidien flamboyant. Soudain, la frénésie s’empare du lui. Juché sur le baril de rhum, il vacille. « Les Antilles dynamitées d’alcool » s’incarnent. Tombé à terre, il s’endort recroquevillé. Les mots de Césaire, le corps de Valère, tout m’enveloppe, tout devient vital.

La danse reprend, le corps se dévêt. Les mains liées dans le dos, il s’effondre assommé de coups mais renaît, se lance dans un nouveau round et clame « Nous survivrons ! ». L’attaque devient frontale, le baril menace le public. Alors, le comédien frôle ses tétons, touche son sexe, s’accroupit en imitant le singe. La performance dure, Valère impose l’insoutenable vision, revient avec une banane, mime un coït avec le baril. La salle est silencieuse, le premier rang se fige. Malaise et fascination se disputent la primeur.

Puis tout change, Valère s’approche, sourit en distribuant rhum et chocolats de la discorde dits « têtes de nègre » mais fourrés de « blanc battu ». On jubile en applaudissant à tout rompre.