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Créé au Dramaten, théâtre national de Stockholm, « Falling Out of Time », de la vétéran du théâtre suédois Suzanne Osten, parle du thème difficile de la perte d’un enfant. Sur un plateau couvert d’un épais sable noir, voici neuf parents, âmes en peine, déambulant dans un purgatoire dans lequel « la mort n’est pas morte ». La metteuse en scène, connue également pour son travail cinématographique (dont « Le Garde du corps » en 1990), adapte ici le roman de l’Israélien David Grossman publié en 2013. Tour à tour membres d’un cercle de parole et chanteurs d’un sombre cabaret de l’entremonde, hommes et femmes se bousculent, se soutiennent, s’interrogent afin d’exorciser la douleur. Une étrange coryphée et son acolyte scribe ponctuent les dialogues, comme les témoins nécessaires de cette souffrance qui pour être dépassée doit être mise en mots, et les mots en récits dont nous sommes les destinataires. La musique d’Anders Niska, dissonances mélancoliques interprétées en live sur un vieux piano fragile, pose l’ambiance.

Après une longue installation un peu répétitive, la seconde partie est d’une intensité remarquable dans sa déclinaison de la syntaxe du deuil par le corps et la parole : gesticulations, lamentations, questions posées dans le vide, mais surtout fragiles tentatives de tracer la route de l’après. Comment continuer à vivre après ce point de rupture ? Dans l’une des plus émouvantes séquences finales qu’il nous ait été donné de voir au théâtre depuis longtemps, une porte du fond de scène s’ouvre sur la rue, vers l’air et la lumière : un tapis se déroule, et nous sommes conviés, sans applaudissements, à sortir de la salle, dans un silence propice à l’éclosion d’un nouvel espoir. La chute s’arrête et nous voilà revenus dans le temps.