Des parfums d’absinthe, de cigarette, quelques notes d’un pianiste à l’allure de dandy… Il y a là quelque chose qui nous fait descendre sous les comptoirs du café-concert aux noms de paradis, à l’abri des regards, pour ne pas entendre ce qui ne devrait pas sortir de la bouche d’une femme. Pourtant, Yvette Guilbert n’était pas de celles qui gardaient leur langue dans leur poche : provocante, drôle, l’âme féministe, qui parle de l’amour comme on évoque une main nue qui passe sous les rideaux d’un fiacre. Mais loin d’être restée cachée, elle a mené toute sa vie une carrière fulgurante : chanteuse de la fin du xixe siècle jusqu’à la fin de la seconde Guerre Mondiale, admirée de Freud, conférencière, auteure, puis actrice de cinéma dans les dernières années de sa vie (on la retrouve notamment à jouer son propre rôle dans « Faisons un rêve » de Sacha Guitry en 1936). Mais puisqu’il s’agit ici de musique, Nathalie Joly interprète une Yvette qui aurait tout de la vraie : un travail de la voix qui passe du parlé au chanté, chose nouvelle à l’époque, où la distinction entre les deux n’a plus lieu d’être. Elle inspirera d’ailleurs plus tard des chanteuses illustres comme Barbara, et qui reprendra elle-même « Les amis de monsieur ». Les chansons, entrecoupées d’extraits de lettres, de ses discours, de ses écrits, évoquent une femme qui revient sur un passé riche et parfois émouvant, qui a vécu au jour le jour et sans regret. Le duo avec le pianiste Jean-Pierre Gesbert apporte également une touche d’humour et de complicité attachante. Il faut admettre que la belle simplicité du spectacle nous invite finalement à nous intéresser à cette femme un peu oubliée aujourd’hui, mais pourtant quelque part si familière : par une voix, une parole. Et si vous n’en avez pas eu assez, le CD du spectacle sera édité chez Frémeaux & Associés.
Paroles de femme
Chansons sans gêne