Au cours d’un dîner entre amis, une jeune fille réalise peu à peu que personne ne fait plus attention à elle, comme si elle était transparente. Un épais brouillard descend sur sa vie sociale et l’amène à douter même de son existence. Dans un mystérieux dialogue avec l’acteur américain Robert De Niro, boule de présence pure qu’elle regarde à la télévision, elle relit les indices de sa disparition puis cherche à redessiner les contours de son corps et de sa personnalité. Un très beau chemin vers la présence au monde et l’acceptation de soi.

On a toujours tendance à imaginer le temps de la création théâtrale de façon verticale. D’abord l’écriture d’un auteur, puis la vision d’un metteur en scène et enfin, le jeu d’un acteur. Ce fonctionnement qui place le texte en haut de la pyramide, héritage de Richelieu et de son Académie Française, est-il enfin en train de tirer sa révérence ? C’est bien possible car, en cent ans, on est passé du prima de l’auteur à celui du metteur en scène et voici que l’acteur à aussi son “mot à dire”. Ses improvisations deviennent écriture de plateau et, à l’instar des nouvelles économies collaboratives, la hiérarchie des savoirs-faire artistique disparaît. Le temps est aux écritures collectives et à la création horizontale. Qu’est-ce que le théâtre a y gagner sur le plan artistique ? A mon sens, un rapport à la théâtralité, je veux dire au “vivant” bien plus fort. “La Nuit je suis Robert De Niro” en est une belle preuve. Pensé et conçu à trois par Guillaume Barbot (auteur), Elsa Granat (metteuse en scène) et Lola Naymark (comédienne), c’est un spectacle qui parvient à communiquer avec le public de façon très efficace. Chaque élément, des mots au jeu en passant par les images et le son, est extrêmement lisible, et la cohabitation entre identification et distance, autrement dit émotion partagée et questionnement, est très agréable. Chaque artiste est là, sur le terrain, si j’ose dire, à se passer la balle, à mouiller le maillot pour raconter le drame ensemble. Et pour traiter des difficultés à être présents à soi, aux autres et au monde, c’est faire preuve d’honnêteté et de sincérité. Du vrai théâtre engagé.