2002 : choc sur FIP, une voix, une présence, un soc. Une jeune étudiante de Sciences-Po profite de son travail de fin d’études pour construire un objet-talent, explosion annonciatrice d’une vie sans concession, d’une absence de mort.
Loin des « douleurs » retenues par les médias perplexes, j’entends un talent mozartien, un de ceux qui ouvrent une porte sur un humain neuf, transcendant. Fraternité de la singularité, joie de la fin de la solitude : quand elle chante « Tombé du ciel » avec Arno, rien ne peut être autre. Elle confirme vite par une pirouette (Nouvelle Vague : bossa nova revue, presque réinventée) puis cette réconciliation bachienne de la note unique basse cont(e)inue (« Le Fil »). Peur de rien je vous dis quand l’urgence de la passion et la joie du faire deviennent impérieuses et vitales. À partir de là, exploration et rencontre avec un public toujours plus participant à ces moments de grâce : La Villette résonne encore de la vitalité heureuse de cet elfe orange qui séduit gros mastars et chanteuses rythmées. Ce soir-là, elle offrira son concert à tous ceux qui le veulent, en téléchargement. Rupture : elle prolonge ad libitum l’expérience unique de cette rencontre affolante.
Chapelle des Récollets, je suis assis en bord de scène, penchant la tête à chaque fois que l’immense ampoule frôle mon crâne, elle chante à nu dans une salle si petite qu’à certains moments, tendre la main suffirait pour la toucher. Mais déjà, l’enfant à naître, l’enfant né consacre une transcendance, une religiosité où l’être qui me chante les yeux dans les yeux désire m’entraîner. Abandon. Versailles, chapelle encore, pieds nus, les frontières s’abaissent, plus rien n’est interdit, explorer, explorer encore, figure de proue d’une voix parcourue, travaillée, acceptée, chérie. Cet immense étonnement de cette voix qui semble sans limites d’exploration. Le divin est à portée. Puis, plus rien, des échos tant de pertes que d’irruptions de vie qui conduisent au repli, à la maturation, au temps lent. Tête chercheuse en train de chercher. Un peu de théâtre, un peu de film d’animation, rien ne semble interdit mais « dis, quand reviendras-tu ? ».
2017 : « OUÏ » : Musiques complexes, construites, voix à maturité, rythmes fondus en une prière. Et puis ce retour au public, à l’autre, à celles et ceux qui la suivent jusque dans les rues de Montmartre, a cappella, religieux encore. Dans ces monastères et ces chapelles. Aux Nuits de Fourvière : vraie bénédiction, lieu de toutes les fois, du druide au cathodique en passant par les Romains et les catholiques. Lieu d’étoiles, de pierres encore chaudes de cette journée d’été, corps serrés pour mieux écouter, caresse des âmes et communion. L’inverse de la mort, la puissance de l’amour, le Vrai. a-Mort, a privatif de mort et puissant de vie. OUÏ Amor…