À partir de “Retour à Reims”, récit autobiographique de Didier Eribon, Laurent Hatat tire une mise en scène sobre pour porter un texte dont le jargon sociologique aurait pu rebuter sur un plateau. Mais il réussit à donner à entendre les analyses de l’intellectuel avec clarté, bien conscient néanmoins qu’il s’adresse à un public déjà souvent au fait de ces problématiques.
Le fils, transfuge de classe, retourne dans le milieu ouvrier champenois qui l’a vu naître, et se confronte à sa mère désormais veuve, incarnée par Sylvie Debrun. À mesure qu’ils déballent ensemble une malle, les souvenirs remontent à la surface avec les vieilles photos, charriant les souffrances d’une enfance et d’une adolescence en marge. Didier Eribon s’interroge sur sa trajectoire : selon lui, son homosexualité, qui déjà l’excluait de sa famille, l’a amené à se construire en totale opposition avec son milieu. Le propos, à cause du jugement très sévère qu’il porte sur ses origines, confinera pour certain-e-s à la suffisance, mais c’est plutôt les mécanismes sociaux qui sont dépecés et dénoncés. Ainsi, en se livrant à cette introspection, l’auteur tire des considérations sur les grands thèmes de la sociologie, dans une lignée bourdieusienne : reproduction sociale, conscience de classe, inégalités, phénomène de « distinction » et autres marqueurs discriminants. Si le spectacle, par cette froideur analytique, peut nous garder à distance, il a le mérite de faciliter notre écoute, et surtout de donner envie de lire le livre.