Ici même, être soi

D'après une histoire vraie

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“D’après une histoire vraie”, c’est le spectacle, ou plutôt l’histoire d’un chorégraphe qui, à l’image de son public, cherche “sa propre façon de dire je”. Or ce “je”, c’est avant tout une chose : l’inscription de son geste par Christian Rizzo dans un entrelacement de la danse contemporaine avec l’Histoire. Comme une œuvre qui marcherait sur un fil : celui du présent duquel nous sommes appelés à tomber à chaque instant, poussés que nous sommes vers le souvenir et fascinés que nous devrions être par le progrès supposé que représente le futur. Sur cet éternel plateau blanc, qui est à la danse contemporaine ce que la white box est à l’art d’aujourd’hui, viennent alors s’entrechoquer huit corps, huit individualités qui chacune s’inscrit dans l’histoire partagée de gestes séculaires qu’on imagine orientaux, mais qui jamais ne souhaitent se confondre dans le miel de la masse. Ici encore, ce fil : non plus celui du temps, mais celui de l’être qui cherche son espace et se bat avec lui pour refléter le monde et accepter le soi. Une bataille de chaque instant pour tenir et vivre debout, qui parfois échoue quand, au rythme des battements de ce rock sériel, les corps vacillent avant de tomber. Tomber, oui, mais mourir, certainement pas, car si son titre nous indique un spectacle inspiré de la réalité, c’est bien pour mieux la sublimer et ainsi refuser cette fin que le dehors de la salle nous impose. Ici, la mort n’existe pas et tout est dans la bataille. Bagarre des temps et des êtres, ces petites choses orgueilleuses qui refusent d’être moins que la terre qui les accueille, et qui donc toujours répètent, sur ce plateau comme dans la vie, des gestes qui espèrent-ils les sauveront du néant pour créer un soi dans un aujourd’hui. Une recherche touchante mais dangereuse, qui n’est pas sans rappeler ce que Clément Rosset nous affirmait avant de s’éteindre il y a quelques jours pour laisser derrière lui une des pensées les plus fécondes de son temps “la répétition est toujours absence à jamais d’aucun présent” puisque “le choix se limite à l’unique, qui est très peu, et à son double qui n’est rien”.