Nos Ghettos © Patrice Lamoureux

Un monde vide. Sans haine, ni amour. Pourquoi ? Parce que « le train du capitalisme a déraillé », nous laissant ainsi dépourvu de ce sel du Vouloir, seul capable manifestement de donner à nos vies cet élan qui leur manquerait tant. Mais alors où ? Où va-t-il, ce train dans lequel les hommes que la scène nous montre semblent s’être embarqués ? Nul part. Et là encore, des parce que, dont un plus fort que les autres : parce que « le passé n’est plus », et que dans l’omniprésence de notre temps immédiat, ne reste alors qu’une seule chose… l’insignifiance que nous avons créée et dans laquelle nous gisons. C’est tout du moins ce que semble nous dire Jean-François Nadeau, qui signe et interprète (avec Stéfan Boucher et Olivier Landry-Gagnon) le texte de “Nos Ghettos”. Une charge, donc, dont le problème réside non pas dans ce que la critique du monde peut avoir de connu, mais bien plutôt dans l’écart immense entre le premier degré des mots et le gourbit conceptuel des images, que la mise en scène semble creuser toujours plus quand la scénographie le montre déjà trop. Parce qu’il faut la voir, cette scène, fatras de fils enlacés, de consoles clignotantes et d’écrans grésillants qui font de l’espace de la scène le cockpit dégénéré du vaisseau d’un monde à la dérive que même les artistes ne parviennent plus à contrôler. L’idée est aussi brillante qu’indigeste, alors que  viennent s’ajouter à la métaphore de ce monde bien mort la bande-son indigente des cris de ceux qui ne sont plus et qui hantent pourtant déjà suffisamment notre quotidien d’Homme. A cet instant, chacun des éléments du médium théâtral, censés faire force au fil de leur entrelacement, ne font plus rien d’autre que de s’imprimer les uns sur les autres et de rendre la scène invisible. A l’image de ces toiles de Maître endormies sous la peinture d’un autre, et que seule la force des rayons peut nous permettre de découvrir.