(c) Nikolas Louka

Le festival de danse londonien Dance Umbrella ouvre son édition 2022 avec “Reverie”, un spectacle à quatre mains signé par Georgia Tegou et Michalis Theophanous. Les deux danseurs et chorégraphes grecs – ayant étudié et fait leurs armes en Angleterre – offrent aux spectateurs une ouverture de festival onirique et photogénique.

On sent les influences de leurs maîtres, entre Dimitris Papaioannou et Bob Wilson – pour qui Michalis Theophanous a été interprète – notamment dans les choix de scénographie : un plateau quasi nu avec le mur de scène neutre. Ce dernier dégage une lumière colorée changeante, offrant une surface uniforme sur laquelle se détachent les interprètes, jusqu’à n’être plus que des silhouettes en fonction de l’intensité. Des ballons d’hélium blancs, d’autres argentés, deux surfaces amovibles de faux gazons tantôt tapis, tantôt traînes.

Les deux artistes ont construit leur méthode et identité chorégraphique autour d’une formule “Dance-as-design”. Annonce prometteuse. On se piquait de curiosité pour l’application des processus et méthodes d’un domaine à l’autre. Or  il semblerait que le résultat soit plus une rencontre art visuel / danse contemporaine, voire mode / danse contemporaine, et qu’on assiste plus à une addition des différentes disciplines qu’à une proposition radicale qui les fusionnerait. Le corps traité comme un objet, le corps traité comme un espace, le décor traité comme un corps ? La proposition nous semble plus répondre à l’appellation Dance-and-design que Dance-as-design pour un spectateur extérieur qui n’a pas assisté au processus de création. 

Au plateau, de très bons danseurs déploient des formes solo, duo, trio, quatuor dans un style oscillant entre contemporain, néo-classique, breakdance avec une qualité de mouvement, somme toute assez convenue. Certains portent – par intermittence – des chapeaux de Justin Smith Esquire, chapelier fou du pays merveilleux de la couture, probablement sollicité en référence à l’œuvre de Carroll que les artistes convoquent comme référence fondatrice du spectacle. Ses chapeaux recouvrent le visage des interprètes et leur donnent une allure  d’étrangeté, non sans rappeler l’effacement des visages dans la mémoire comme dans les rêves. 

L’autre point de départ de ce spectacle, ce sont les théories jungiennes de l’inconscient. Les artistes entendent invoquer l’inconscient collectif par des séries d’images et de mouvements. On s’interroge simplement sur ce qui singularise cette démarche du reste de la création, sur ce point spécifique, au sens où a priori toute expérience de spectateur et de création mobilise un inconscient individuel et collectif et, par extension, toute expérience de communication ou de perception fonctionne aussi de cette manière.

De même, les artistes invoquent les archétypes jungiens de l’inconscient collectif, ces mémoires ancestrales qui traversent les cultures, les mythes, les rêves, les arts. Que ce soit les mythes ancestraux ou “Alice au Pays des Merveilles”, les références invoquées offrent toutes de l’inconscient d’une richesse esthétique et conceptuelle incroyable, un chaos magnifique, traversé de figures angoissantes, un décrochage du réel vertigineux, loin des images léchées que “Reverie” propose.