Avec Stéphane Héliot
Des cinq spectacles présentés le 23 mars au festival Artdanthé de Vanves, on retiendra surtout la reprise du “PA.KO doble” de Paola Stella Minni et Konstantinos Rizos, pour son humour et son inventivité, et ce moment de grâce au cœur du spectacle où leurs corps se figent successivement dans des positions de toreros à la fois improbables et familières, avant de se laisser traverser par des forces mystérieuses. Auparavant ils sont nus et vapotent sous cape derrière leur visage enturbanné, têtes fumantes irrésistibles ; forment un duo rock ; se disputent comme des enfants le titre de duende avec des voix d’outre-tombe dignes de Dark Vador (ou de son alter ego chez Mel Brooks ?) ; et pour conclure ils incarnent un dragon de nouvel an chinois, tandis qu’une bande son nous invite à nous attacher à la présence plutôt qu’à l’avenir… Ainsi ils nous racontent avec modestie une histoire profonde et cohérente.
En comparaison les quatre compositions qui suivent semblent plus monochromes : il leur reste donc à miser, avec plus ou moins de bonheur, sur l’hypnose qu’elles pourraient susciter. A ce jeu, Gabriel Schenker, avec ses “Pulse Constellations”, ne sort pas gagnant : ses mouvements suivent avec une monotonie très exacte les répétitives vagues sonores de la partition de John McGuire, mais ni le son ni l’image ne nous emportent jamais. Son échec à cet égard rappelle celui de Katerina Andreou à Baubourg il y a dix jours, dans le même exercice. Au propre comme au figuré Ali Moini part mieux armé, derviche tourneur persan, regard noir sur le public qui l’entoure assis en tailleur dans la salle de réception de la mairie de Vanves, à bonne distance tout de même des couteaux de cuisine qui gravitent autour du performeur alors qu’il entonne son poème. De cette science orientale Flora Detraz a conservé, pour son spectacle Tutuguri, non seulement certaines sonorités qu’elle module progressivement jusqu’à les transformer en mille borborygmes, piaillements d’oiseaux et cris de bébés, avec un talent d’interprète remarquable mais sans mise en scène poétique, mais également un goût peut-être excessif pour le malaise intéressant que provoque le regard trop appuyé de l’interprète sur son public – goût qu’elle partage d’ailleurs avec Moreno Perna, qui nous livre pour clore la soirée une réflexion sentencieuse sur le genre, au premier degré, incarnée entre autres dans un numéro de pole dance travesti.