(c) Leslie Artamonow
Grégory Carnoli et Hervé Guerrisi, comme nombre d’entre nous, ont entendu mille fois cette question : « Et toi, tu viens d’où ? » L’interrogation, qui a l’air anodine, trace pourtant d’emblée une frontière rudimentaire entre « eux » et « nous ». Tous deux issus de l’immigration minière italienne en Belgique, les acteurs en grande forme confrontés à la xénophobie au sein même de leurs familles, qui ont un jour émigré, nous livrent leur quête identitaire aux confins de l’humanité : y a-t-il lieu de différencier « eux » de « nous » ?
À grand renfort de schémas exécutés en direct au sol et au mur, de chiffres projetés, d’enregistrements véridiques de personnes issues de l’immigration industrielle à propos de l’immigration d’aujourd’hui et porté par une énergie contagieuse et absolument jubilatoire, le duo d’acteurs survoltés nous emmène dans sa réalité de questions démangeantes : mais d’où viennent-ils, avec leurs physiques plutôt méditerranéens et leurs prénoms belges ? Pour retrouver leurs racines et « retourner d’où ils viennent » (?), direction l’Italie, berceau des rêves et des fantasmes de ces petits-fils de mineur italien, paradis perdu où ils pensent être accueillis en fils prodigues…
Une fois l’aventure italienne éprouvée, et après avoir bu quelques espressi, ils nous entraînent encore plus loin, aux origines de la vie : qui est L.U.C.A., le plus ancien ancêtre commun à toutes les espèces vivantes en ce moment et qui porte d’ailleurs un prénom tout à fait italien ?
L’équipe de « L.U.C.A. » répond au clivage « eux »/« nous » et tente de désamorcer la xénophobie ambiante qui s’insinue jusque dans l’esprit de ceux qui ont pourtant vécu eux-mêmes le déracinement, en nous entraînant dans un tourbillon d’humour, d’énergie, d’intelligence et d’habileté théâtrale. Ils partagent généreusement leur recherche essentielle en posant des questions pertinentes, dans notre monde gangrené par la peur et le repli sur soi.
Ode à la communauté et à la diversité – génétique et culturelle –, « L.U.C.A. » célèbre nos points communs – savez-vous par exemple que les Européens sont tous cousins ? – pour mieux accepter nos dissemblances, somme toute relatives. Evviva!
