Pour comprendre ce qu’il demande il faut comprendre ce qui lui manque. C’est ce que je me suis efforcée de faire pendant cette année et demie à préparer « Un album », à marcher à travers les villes et écouter les conversations, regarder les comportements, replonger dans mes propres souvenirs, essayer d’imiter les autres jusqu’à devenir eux, et rendre compte le plus justement possible des dysfonctionnements que je sentais autour de moi et qui, selon moi, créaient du manque, des désordres amoureux, la peur de la mort, les rapports de pouvoir, les liens aux animaux domestiques… C’est d’ailleurs pour moi très étrange d’employer ce terme « peuple ». J’ai l’impression de parler d’une espèce qui ne serait pas la mienne, comme si je parlais des fourmis, ce n’est pas juste pour moi. C’est pour cette raison je pense que je ne serai jamais une femme politique.
Le peuple est d’abord fait d’individus, aux identités très marquées, et c’est là sa richesse et sa beauté. Des voix, des corps, des façons de se mouvoir très différentes les unes des autres, souvent à la fois drôles et tragiques, petites et grandes. C’est cette richesse que j’ai voulu rendre dans « Un album », et à laquelle j’assiste avec énormément de plaisir lorsque je me rends aux assemblées générales de « Nuit debout » par exemple. Il y a là tous ces gens, dont les corps racontent des histoires si différentes les unes des autres, qui parlent politique, peut-être pour la première fois, et essaient justement de définir ce qu’il leur faut. Une chose est sûre : le peuple demande à être entendu.