Spricigo_JF_

L’on dit souvent que l’amour est avant tout une projection sur un autre d’un manque, une frustration, un désir, un espoir. Que la communication amoureuse est souvent un leurre, un face-à-face avec son propre vide. L’on dit aussi que sans amour la vie est un vide, que le sens se trouve dans cette ébauche maladroite et si imparfaite de la tentative de toucher l’autre. L’on dit, parfois, que l’esprit de l’amoureux en fait vogue sur ses mers noires des obsessions personnelles, que l’irruption de le lumière de l’autre est rare, comment percer de telles ténèbres choisies ou non ? L’on dit populairement que l’amour consiste à regarder dans la même direction… Amour, ce mot valise que chacun use et dont tous abusent pour nommer l’indéterminable. Quoi de commun entre j’aime la glace à la fraise, mon chien, les suites de Bach, la femme de ma vie. Comment définir, trouver le mot juste ?

Anna Mouglalis, de sa voix rauque de femme femelle répond à la demande d’un pas de deux de Jean François Spricigo pour tenter par la multiplicité narrative et de médias visuels d’approcher l’émergence de ce lien, tracer les contours de cette beauté rare d’un ensemble. Amour. Il n’y a pas de logique, il n’y a pas de narration évidente, il y a des fragments de miroirs brisés qui tous chantent ce songe d’un commun prélude nécessaire au lien. Alternant vidéos (mention spéciale à l’incroyable gamin de « D’amore si vive »), photos d’absences et présences, Jean-François Spricigo trace par le vide les contours du plein. Ouvrant des abîmes où le vertige nous prend de nous laisser aller à notre tour à ce chant amoureux. Où l’onirisme nous entraîne dans une veille à la frontière du déclenchement de nos rêves à nous, procédé étonnant d’association de son public à son discours amoureux. Et démontre que « Comme une eau, l’amour (le monde) vous traverse et, pour un temps, vous prête ses couleurs. Puis il se retire et vous replace dans ce vide qu’on porte en soi devant cette espèce d’insuffisance centrale de l’âme qu’il faut bien apprendre à côtoyer et à combattre et qui paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr. » (“L’usage du Monde”, Nicolas Bouvier)