« On Purge Bébé » version Perez et Boussiron est un spectacle qui prend un malin plaisir à détruire chaque ouverture dramaturgique. En voici quelques amorces choisies : le décalage de la bande-son qui force les personnages à accélérer leur partition (par exemple le son d’un verre qui se remplit alors que le protagoniste vient de se saisir d’une bouteille pour se servir à boire) ; la répétition plutôt angoissante de certaines répliques face public ; le lieu commun d’un personnage qui ne sait qu’à moitié son texte (soufflé par un comédien à peine expulsé de son rôle) ; l’interchangeabilité des rôles et des visages (que ce soit par les acteurs tentant d’incarner tour à tour divers personnages ou par l’usage d’accessoires de farces et attrapes) ; une lecture dans le texte des didascalies mimant une improvisation foutraque… Que le spectateur s’accroche à son siège : chacune sera abandonnée sans pitié aucune (souvent à l’instant où il flairait quelque cohérence narrative dans la proposition scénique). C’est dire qu’ils terminent leur travail dans un chaos dont l’éjaculation n’a d’égal que leur humour scatophile — un véritable bréviaire de la sécrétion.
Où donner de la tête alors lorsque les murs du décor s’écroulent pour découvrir méli-mélo des explosions diarrhéiques et ladite méta-scène des didascalies fournie dans une vidéo glauque strass pendant que le Bébé horrifique tente quelques riffs provocants ? — En parlant de tête : on finit par plonger dans du pur paratexte, lorsque Gilles Gaston-Dreyfus coiffé de sa propre tête en format XXL écoute d’une oreille (tout aussi XXL) Stéphane Roger déblatérer des titres envisagés pour le spectacle. Parmi eux, l’inénarrable « Sens mon doigt », qui n’est pas tant enfoncé dans quelque orifice que tendu bien haut et droit vers le benêt cartésien qu’est le public de « Purge Baby Purge ». — Qu’ils sont ringards, ces marcheurs-tout-droit : le Zerep les emmerde pendant une heure dix de bifurcations provocatrices à défroquer un limier. Eh ! Qu’ils rentrent bien penauds chez eux, leurs globes oculaires aussi honteusement maculés que leurs zygomatiques espéraient quelque étirement vaudevillesque… Voilà un propos de non-propos qui se diffracte en autant de signes dramaturgiques eux-mêmes pourfendus d’apories derrière lesquelles un foutu ineffable.
Une question se pose néanmoins : peut-on apprécier « Purge Baby Purge » sans se pâmer de ce genre de mondanités réflexives à son sortir ? Car l’on croirait sentir plus fort le désir d’avant-garde que le spectacle lui-même — or voilà deux choses bien différentes que de parler de la merde et de la renifler. Méfions-nous donc du pseudo-neuf : bien souvent, les premiers seront les derniers.