Face à n’importe quel type de spectacle, le clown aura toujours l’avantage de la simplicité. Celle-ci confère à la proposition une forme de naïveté qui, paradoxalement, nous interdit de considérer le propos au premier degré. Ainsi, lorsque Lucy Hopkins, artiste polyvalente formée à Londres et à Paris, apparaît sur scène et lance, avec un geste de diva en décadence, « Je suis une artiste et je crée », la perplexité gagne le spectateur. Un geste, une réplique auront suffi pour ouvrir cette brèche que la comédienne et le public investiront. La première pour soutenir sa déclaration, le second pour découvrir cette supercherie. Un chassé-croisé s’engage alors entre les deux parties. Lucy Hopkins convoque plusieurs personnages rivalisant de narcissisme, créatrice en panne d’inspiration, performeuse à la recherche du mode d’expression idéal, rêveuse solitaire, etc. Elles dissertent sans quitter le ton docte et emprunté de la reconnaissance, du chef-d’œuvre ou de la femme artiste. De ces joyeuses envolées, entrecoupées de violentes crises existentielles, s’échappent parfois des contresens, des formules toutes prêtes, des jeux de mots d’une banalité confondante. Cela ne manque pas de déclencher l’hilarité du public, qui rit des artistes qui n’en sont pas, des créateurs stériles. C’est aussi Lucy Hopkins qui se joue subtilement d’elle-même, démonte toutes ses prétentions avec toute l’ironie de la naïveté. Sa sincérité charme l’assistance. Antagonistes au départ, comédienne et spectateurs créent une complicité pour sourire sous cape de l’autosuffisance artistique. Le public applaudit la performance de la comédienne, d’autant plus admirable qu’elle n’aura eu besoin pour l’embobiner que d’un artifice unique : son long foulard en soie.
Art poétique clownesque
Le Full Art