Opaquement vôtre

Marche

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C’est certainement le spectacle le plus bizarre d’Avignon ! Ça se passe dans la jolie cour du musée Angladon. Un dispositif en quadrifrontal. Au centre, une espèce de promontoire labyrinthique. Cinq acteurs vêtus de hardes, entre Moyen Âge et punks à chien, vont habiter l’espace. J’ai mis du temps à comprendre de quoi ça parlait tellement le propos est opaque et la mise en scène incompréhensible. En fait, ça parle du rejet, de la marginalité, de notre société qui délaisse ses pauvres. Le texte est tiré du fait divers d’un homme en errance, que l’auteur a vu marcher sans but pendant six ans sous ses fenêtres. Tout est haché, saccadé, en ruptures, certainement pour rendre compte de la vie brisée de cet homme qui marche (j’essaie de trouver des trucs). Les acteurs témoignent de la solitude des sans-abri, dans un engagement total mais maladroit. On dirait une blague de théâtre hermétique et expérimental. On voit des gens dans leur délire, avec la bonne intention de communiquer avec nous et de nous faire passer un message (voire carrément investis d’une mission), mais ça manque tellement de direction, de ligne. À la fin, petit discours du metteur en scène, qui nous dit que le spectacle a reçu l’aide de la fondation Abbé Pierre et que des personnes recevant l’aide d’Emmaüs vont nous présenter un autre petit spectacle de vingt minutes (au secours !). On reste patient. Et là, miracle : cinq acteurs de fortune déboulent sur le plateau pour nous livrer leur texte. « On passe neuf mois dans le ventre de notre mère et tout le reste de la vie à essayer de se reloger. » Ils disent leur détresse simplement. La théâtralité qui se dégage est fortuite et non pas forcée. On est touché par ce dépouillement. Le public crie bravo. « Le premier spectacle aura au moins permis le second », dit Monique, une spectatrice que j’interroge à la fin. Interloquant…