© Vincent Tillieux

© Vincent Tillieux

Dans une sorte de frénésie léonardesque, le jeune chorégraphe Radouan Mriziga sculpte le carré de son espace scénique à sa mesure. Chaque mouvement a une fonction, celle de mesurer l’espace, de le construire. Nul acte n’est désintéressé. Un bras qui s’étend est une direction prise, le pas, un ordre de grandeur. Le coude, ce formidable compas.

Une bâtisse de mouvement s’élève, puis son plan au sol se dessine progressivement au scotch de peintre. L’artiste nous décompose sa création en volume pour ensuite nous en révéler les superficies. Le danseur affiche une rigueur d’architecte. Il y a quelque chose dans cette œuvre de l’ordre de la démonstration mathématique. A croire que nul n’entre à P.A.R.T.S. s’il n’est géomètre.

L’influence d’Anne Teresa de Keersmaeker semble d’ailleurs non dissimulée. Il y a dans “55” une forte dose de “Violin phase”, notamment dans les mouvements de bras sur toute la première partie du spectacle, et sur le geste qui aboutit à un tracé au sol. Ici, la rosace apparaît puis se fait anguleuse, prend des allures constructivistes. Les courbes deviennent lignes. Le chorégraphe semble questionner, prolonger, relire “Violin phase”. Ce travail réalisé en résidence au Moussem Centre Nomade des Arts en décembre 2014, est la première œuvre chorégraphique du jeune chorégraphe qui semble ne pas encore avoir tout à fait quitté le spectacle “Re: Zeitung” dont la visée était de revisiter le répertoire de Keersmaeker et dans lequel il était interprète.

Le corps du danseur et ses dimensions délimitent l’espace tout en démontrant son infinité. Les mensurations du corps de l’Homme semblent perfection et logique implacable, applicables et dépliables à l’infini. Le corps s’inscrit dans un tout universel dont il est l’étalon. Une construction de l’espace scénique dans laquelle Radouan Mriziga nous prouve qu’il est “mètre”.