© Opéra national de Paris/Elisa Haberer

© Opéra national de Paris/Elisa Haberer

De la Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils, le livret à partir duquel écrit Verdi (Francesco Maria Piave) développe un filet épuré de symboles. L’intrigue file, à toute vitesse, et les personnages se retrouvent coincés dans une spirale infernale : une déferlante d’amour, de sacrifice et de rédemption tardive, qui coule presque d’une seule traite. Parce que cet opéra se fonde sur une condensation maximale de son objet et des motifs qui le composent, le voilà – dès sa création – élevé au rang de mythe. Difficile, ainsi, de remotiver l’œuvre – l’un des plus grands chefs-d’œuvre du maître italien vériste – qui passa dans les mains de nombreux metteurs en scène et dont les personnages furent incarnés par les plus grands chanteurs-euses.

La lecture qu’en fait Benoît Jacquot est loin d’être révolutionnaire per se. Elle a cependant pour mérite d’éblouir par la beauté du décor (Sylvain Chauvelot), justement réduit à des éléments clefs : le lit (splendide et couronné de l’Odalisque de Manet à l’acte I ; défait à l’acte III, comme en miroir inversé) ; l’arbre (symbole de vie et de liberté, contrastant avec le formalisme de la ville) et l’escalier mondain (au premier et deuxième tableaux de l’acte II). L’agencement scénique, bien que convenu, épaule avec justesse et fluidité l’agencement des actes, tableaux après tableaux.

Au milieu de cet écrin se dresse Sonya Yoncheva. Sans doute aucun, la gloire de cette représentation lui revient de plein droit. C’est une voix brillante, époustouflante, c’est un corps langoureux et sensible qui rayonnent sur la scène de l’Opéra Bastille. Violetta brille ici de toute sa douceur, sa folie et son humilité plantées en elle ; à un tel point qu’elle semble parfois ternir – malgré elle – les autres rôles. La soprane retrouve ici un rôle qu’elle avait déjà plusieurs fois endossé auparavant (en 2013 au Palau de les Arts de Valence, à Monte-Carlo, au Bayerische Staatsoper de Munich ; en 2014-2015 au Metropolitan Opera et au Royal Opera House Covent Garden ; en 2016 au Staatsoper de Berlin), et qui lui va décidément comme une seconde peau. Son timbre et la conduite de sa ligne vocale et de son souffle sont d’une beauté rare, qui lui valut une standing ovation délirante. On peut facilement jouir de l’œuvre, de ses tubes et de ses symboles, dont Verdi reconnaissait lui-même la facilité d’approche. On jouit plus rarement d’un tel talent.