On pense d’abord au “Revizor” de Gogol ou à sa version moderne écrite par Murray Schisgal dans la confrontation entre l’autorité et les habitants d’un petit village ; Pirandello est aussi présent entre chaque ligne dans les interrogations des acteurs sur l’auteur, mais ce qui attrape ici dans ce texte d’Eduardo de Filippo mis en scène généreusement par Patrick Pineau, c’est le plaidoyer flagrant de la force vitale des acteurs dans la communauté. Molière et Shakespeare sont utiles à la bonne gestion d’une petite ville de province autant que la maréchaussée, oui mesdames et messieurs.
La scène d’ouverture, magnifique dialogue entre le préfet et l’artiste, dit déjà l’essentiel. Chacun dans son rôle déroulera ensuite sa partition et fera advenir, sur les planches – ou est-ce dans le bureau de son Excellence? – la tragédie humaine. L’illusion perdure jusqu’à la dernière réplique car la Vérité n’a pas sa place au théâtre. Cette mise en abyme – des acteurs qui jouent des acteurs qui jouent des personnages – entraîne non seulement le public amusé à observer les pulsations irrégulières de la vie quotidienne par le trou de la serrure mais aussi à constater que la représentation est un miroir sans concession de nos réalités. Le Faux pour ressentir le Juste.
La facture est « classique », on ne trouvera ici rien de « performatif » ni de « transgressif » mais une belle distribution et une scénographie dépouillée et efficace. On en sort avec une chaleur au cœur et un sourire complice, une impression d’avoir partagé simplement un moment de théâtre.