Danser le rêve de l’indépendance

Le Cargo

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Le solo est introduit par une réflexion sur l’art et l’impact de la parole sur un plateau. Intéressant. Faustin Linyekula s’interroge sur son statut de « raconteur d’histoires ». Peindre le quotidien du peuple congolais, son malheur, les difficultés de son existence, il le fait d’abord pour lui. Car créer des spectacles est son gagne-pain et donc celui de ses frères et sœurs, qu’il nourrit à distance. L’artiste affirme alors que raconter « l’histoire des nègres qui souffrent, des nègres qui crèvent » est avant tout une affaire personnelle. On perçoit évidemment le discours sous-jacent : livrer ces récits est en réalité nécessaire et vital. Il faut continuer, encore et toujours, à dénoncer les maux qui rongent sa patrie. « La crise, la guerre », répète-t-il.

Faustin Linyekula questionne également son rapport à la création. Il ne veut pas danser la danse des livres ou des chorégraphes, mais puise dans ses origines pour trouver une gestuelle qui lui soit propre. De retour au pays, il découvre avec effroi la montée du cléricalisme et la disparition progressive de l’art. Dans l’espoir de redonner à son peuple un souffle de vie, l’artiste l’encourage à danser et recrée sur le plateau cette expérience. Mais malgré les enregistrements qui évoquent l’atmosphère de sa contrée natale, la transe ne va pas assez loin, et le rituel, plutôt que de nous emporter, s’épuise peu à peu. Certes, on sent le potentiel chorégraphique de Linyekula, mais le mouvement qu’il cherche au plus profond de lui-même perd vite en intensité.

On pourrait aussi être saisi par le témoignage brûlant adressé au micro. Pourtant, l’impact sur le spectateur est moindre, car ce dernier, qui n’a pas été encouragé à participer à la fête, reste à distance.