Au bal de l’Arche, ohé ohé

Bal littéraire pour les 70 ans de l'Arche Éditeur

© La Coopérative d’Écriture

On s’imagine des airs de guinguette fleurie à l’évocation de ces deux mots qui s’entrechoquent joliment : « bal » et « littéraire ». Il y a un peu de cela, alors que des tubes musicaux se mêlent à la fable, inventée en quelques heures seulement, débitée en épisodes (style feuilleton populaire), et déclamée par ses auteurs (façon théâtre de tréteaux). Le dispositif imaginé par Fabrice Melquiot et Emmanuel Demarcy-Mota fait éclater la dichotomie scène/salle en proposant une piste de danse, tout près des écrivains qui deviennent conteurs de leur propre texte. Il s’agit là d’un espace de vie, qui refuse de faire de la littérature et de sa mise en voix un exercice élitiste sur un ton moribond. Les pauses musicales endiablées convient les corps à rester en alerte, à l’écoute de ce texte qui irradie de fraîcheur et devient d’autant plus divertissant qu’il est couturé de délicieuses imperfections. On plonge, tête la première, au cœur même du processus créatif, au plus près de la plume des auteurs qui coule à gros bouillons sur notre peau, qui emplit nos oreilles et nous transfigure en adolescents ivres de récits, de poésie et de musique.

Pour fêter les soixante-dix ans de l’Arche Éditeur, qui l’a vu naître, le Bal littéraire en Avignon a été placé sous la houlette de son créateur (Fabrice Melquiot) ainsi que de quatre autres auteurs de choix (Emmanuelle Destremau, Samuel Gallet, Édouard Signolet et Alice Zeniter). L’équipe s’amuse avec les codes du genre : le registre « méta » de leur invention – qui évoque un certain côté « Jacques le Fataliste » – sert très intelligemment leur propos. La maison d’édition de l’Arche devient le support à une enquête policière enfiévrée qui cherche à résoudre le dossier « ADK », mystérieuses initiales de l’auteur d’une pièce de théâtre, « Ich bin ». Les cinq créateurs s’amusent de l’effet performatif du texte littéraire sur leurs propres personnages, sorte de « biblioplastie » qui fait de leur périple un quasi-roman d’apprentissage. Le pari est gagné : la foule en liesse célèbre l’œuvre encore à vif, qui éclabousse l’auditoire tout à la fois de son ingéniosité et de sa formidable légèreté.