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Exocoetus pterois, Calopteryx stelula ou Aquila fabularis… : dix ans après l’apparition de la première créature murale du street artist Codex Urbanus, les éditions Omniscience publient une compilation de plus de 300 de ses oeuvres. 

Il y a toujours une sorte de paradoxe, et même parfois un contresens, à vouloir figer sur un support exogène une oeuvre déracinée de son support d’origine. Les vitrines d’entomologistes savent quelque chose de ce cynisme scientiste. Et pourtant la collection des chimères de Codex Urbanus n’a rien d’une froide prison de papier : elle est plutôt une invitation au voyage urbain, à la déambulation dans une animalerie de pleine nature. Et puis le nom même de l’artiste n’annonçait-il pas la couleur ? Ce codex de pierre – tel que Victor Hugo désignait l’ésotérisme de Notre-Dame de Paris – tient aussi bien des représentations boschiennes que des figures d’un autre livre crypto-parodique, le Codex Seraphinius. Comme dans ce dernier, c’est l’imaginaire qui prime sur une quelconque visée performative. Car la magie des fresques de Codex Urbanus est de n’être ni politiques, ni esthétisantes, mais résolument poétiques, comme l’empreinte d’un monde onirique dont la clé serait peut-être cachée quelque part dans ces ruelles de Montmartre où elles virent le jour.

Notons le soin apporté à l’édition de l’anthologie avec, en miroir, le dessin de la créature stylisée et sa photo dans son milieu naturel. En complément, chaque figure ou presque s’accompagne d’un haïku composé par Codex Urbanus dont le minimalisme et la mystique font écho à ceux des chimères. Celui de la Libelula rex, par exemple : “Panique aérienne / Une vrombissante attaque / Aux dents acérées”, ou de la Coenobita norvinae, qui résume peut-être tout l’enjeu de cette fantaisie urbaine : “Plus de place pour nous / Nous errons de mur en mur / En marge de la ville”.

Exposition Lautrec Circus du 30 septembre au 17 octobre 2021.
Galerie Roussard, 13 rue du Mont Cenis, Paris 18e