Comme souvent chez les Belges, la scène n’est que l’antichambre d’un spectacle à faire. Le show aquatique extraordinaire que nous promet le Collectif La Station, avec tout son attirail sonore épique et sirupeux, se déroule hors du plateau. Les éléments de langage de ces artistes-dresseurs, qui vantent leurs exploits et leur amour des animaux marins (l’un d’entre eux est « nouveau en orques »), nous parvient au départ dans toute son incongruité. Entre la reproduction réaliste et l’adresse frontale au public, les cinq comédien-ne-s fabriquent dans ces premières séquences un burlesque tendre et entraînant, que la suite du spectacle va malheureusement ternir. La tragédie centrale (que nous ne raconterons pas), qui refait du plateau le lieu principal du drame et qui dissout la gouaille spectaculaire de Anke, Lars, Nicolaï et Kania, révèle du même du coup le jeu en force des interprètes, qui ne se laissent pas assez envahir par le réel.
Si l’événement ne parvient pas à cogner la représentation, c’est sans doute aussi parce que la dramaturgie s’embarque dans des parenthèses analytiques superficielles. Et notamment des dilemmes moraux sur l’animalité qu’il assez gênant de rendre aussi expéditifs aujourd’hui. « Parc » révèle toutefois une inflexion intéressante du théâtre belge. En parlant d’“accident“, d’“imprévisible“ ou d’“inframonde“, tout le plancton esthétique habituel de leur infra-théâtralité toujours très au présent, La Station nous fait éprouver le décalage avec leur proposition ultra-fictive. L’ombre d’Anne-Cécile Vandalem plane parfois sur leurs anoraks et leurs eaux sombres, sans la politique de ses récits car « Parc » manque cruellement d’un vrai propos. Espérons que la longue série de représentations à Avignon viendra liquéfier cette proposition dont les promesses purement théâtrales surnagent dans notre esprit déçu. Notamment cette scène où la troupe imagine l’explosion héroïque du centre aquatique et le sauvetage du vieux morse, où le bassin redevient enfin ce grand théâtre des possibles.