(c) Danny Willems

La salle Jean-Pierre Vernant du Nouveau Théâtre de Montreuil était pleine à craquer en ce soir d’ouverture des Rencontres Chorégraphiques, et pour cause : Lisbeth Gruwez y présentait la première mondiale de sa nouvelle création, “The Sea Within”. C’est toujours avec un grand bonheur et une grande excitation que l’on découvre une nouvelle oeuvre de la chorégraphe, auxquelles se mêlait cette fois-ci une légère appréhension. “The Sea Within” est en effet la première de ses créations dans laquelle Lisbeth Gruwez ne danse pas, et laisse la place à dix interprètes qui se partagent un grand tapis de sol rose.

Cette création, c’est une passation de pouvoir flamboyante entre deux générations de danseuses, une star et une troupe pas encore connue du grand public, anonymat relatif qui, on le prédit, ne devrait plus durer bien longtemps. “The Sea Within” est un sabbat, une réunion de sorcières, une cérémonie paîenne à la gloire de la féminité. Lisbeth Gruwez réalise une oeuvre collective qui retrace en à peine plus d’une heure l’épopée des femmes, calquée sur le rythme de leur mer intérieure. Tour à tour calme et déchaînée, “The Sea Within” serait une sorte de “Radeau de la méduse” passé à la moulinette de Beyoncé. Un peu comme si Géricault chantait “Survivor”. On en attendait pas moins de Lisbeth Gruwez, elle qui invitait le public à venir danser avec elle sur scène à la fin de son spectacle sur Bob Dylan. Zéro ironie dans cette évocation de la pop culture, mais un amour infini pour ses interprètes qui électrise la scène et la salle.

Lisbeth Gruwez est aussi une chorégraphe du souffle. Sur la scène, on s’essoufle, on psalmodie, on crie, on murmure. Bref, on vit, et intensément, en plus. Le tapis posé au sol en est marqué. Mer étale au début, les déplacements des danseuses le marquent et le transforment en océan déchaîné. Ces respirations font partie intégrante de la partition de “The Sea Within”, composée par Maarten Van Cauwenberghe, complice de longue date de Lisbeth Gruwez, Elko Blijweert et Bjorn Eriksson. A la fois paysage sonore et composition visuelle, c’est à une ode à la féminité tribale et à la sororité qu’est convié le public.