Le parfum des amours adolescentes

Hercule à la plage

DR

Ils sont quatre, comme les mousquetaires, aussi proches et complices que peuvent l’être des amis d’enfance qui dépensent leur innocence avec la même urgence qu’ils se livrent à une partie de cache-cache dans la forêt. Ils ont neuf ans, quinze ans, quarante ans ou cent quarante peu importe, ils sont toutes les strates de leurs vies en même temps, mémoire à fleur de peau des émotions qui les constituent. Le texte de Fabrice Melquiot imbrique habilement cette histoire d’amitié, de souvenirs puissants en désordre et de joutes amoureuses en utilisant comme ciment les épreuves du demi-dieu pour interroger l’air de rien l’équilibre de la normalité et de l’extraordinaire à hauteur d’enfant. Mariama Sylla réussit avec nuances à rendre présente sur scène l’épaisseur d’une mémoire partagée, et les quatre acteurs, tous justes et généreux, ont à cœur de préserver les creux et les reliefs de leurs personnages. Pourtant, le pari n’était pas si simple : le labyrinthe mental dans lequel la (super)fille et les trois garçons (moyens) se retrouvent porte la complexité du lien fertile entre la réalité et la fiction sans jamais en faire ressentir le poids. Le public de tout âge se perd volontiers dans ce récit joyeux des premiers émois, des exploits et des tentatives, accompagnant nos héros ordinaires dans leurs fantasmagories prépubères. La bande-son du spectacle cisèle les espaces, dessine les contours et marque les époques, tandis que les noirs assumés et répétés invitent à déconnecter du réel et à plonger gaiement dans l’inconscient. Le bois des peupliers habite le plateau et abrite le parfum nostalgique des souvenirs tout comme les confidences des enfants, des adultes, des morts, des vivants et des créatures mythologiques. C’est un spectacle simple – chacun selon son âge pourra y puiser du sens –et profond – il ne cède pas à la facilité, ni sur le fond ni sur la forme – que l’on s’approprie avec malice, délicatesse et humour tendre.