Après la « Spoken World Tragedy » et « Mal de crâne », la metteuse en scène et dramaturge Louise Emö continue de torturer les mots pour en tirer la substantifique moelle. Un seul-en-scène exubérant, intense et poétique, porté par l’incarnation stupéfiante de Simon Vialle.
« Simon et la Méduse et le Continent » est une allégorie des pouvoirs de l’enfance, contre les catégories préfabriquées et les discours normatifs que l’on inflige aux esprits en ébullition d’une jeunesse fragile. L’enfant Simon est-il en retard, est-il précoce ? Telle est la question que se posent les autres à son sujet. Pour échapper aux cases et aux regards inquisiteurs, Simon décide de fuguer avec Monsieur Murmure, son ami imaginaire, vers un continent irréel où tout serait plus facile. Et nous voilà embarqués dans une folle odyssée mentale, un bateau ivre sur lequel Simon tente d’échapper à Madame Méduse, métaphore de son angoisse. Comment se libérer de nos démons, se défaire de nos peurs, quand les mots s’emballent, débordent, et que personne ne semble comprendre ce qui traverse nos corps, les électrise et les transporte ?
Seul en scène, l’acteur Simon Vialle offre une performance explosive et étourdissante, empruntant les dédales mystérieux et obscurs de l’enfance et de son imagination douce-amère. Se heurtant successivement aux injonctions parentales, aux diagnostics des spécialistes et aux paroles bienveillantes et insuffisantes des amis, Simon lutte et se débat. Contre les discours des adultes qui veulent tout contrôler, surveiller et punir, il oppose le pouvoir du rêve et l’énergie folle d’un corps perclus d’angoisses et de désirs. Le comédien livre une performance prodigieuse et invraisemblable, passant de l’hystérie hurlante à la douceur craintive, d’une parole lyrique et débordante à un discours haché, fragmenté et lacunaire.
Le débit effréné de Simon Vialle, le déchaînement poétique des textes de Louise Emö, la beauté métallique des lumières conçues par Clément Longueville : tout nous emporte dans ce spectacle qui fait résonner les cris enfouis et les rêves dérobés en chacun de nous. Quand les mots de Louise percutent le corps de Simon, c’est une déflagration. Un spectacle insolite, qui pulvérise les codes et déstabilise le spectateur.