© Teona Goreci

Avec « Marelle / Que les corps modulent ! », création pour le festival Musica, Benjamin Dupé convie une douzaine d’enfants à un enthousiasmant jeu chorégraphique et musical.

Dans un dispositif quadrifrontal qui privilégie l’immersivité, comme souvent dans les créations de Benjamin Dupé, des enfants entrent sur scène, au fur et à mesure. Ils s’emparent d’objets aussi anodins qu’insolites – cordes, plaques en bois, râteaux, micro sur perche… – comme issus des étagères d’un atelier bruitiste. Très vite, tout le sens du projet de Dupé se fait jour : chaque son, le plus prosaïque, acquiert un statut nouveau qui, paradoxalement, déréifie notre représentation du monde en donnant à ses objets une aura magique. Cette intensification du réel n’est possible que grâce à la convocation de cette énergie très particulière, enfantine mais pas infantile, de ces jeunes dont les mouvements démultiplient et amplifient les signes.

L’approche extrêmement énergétique du spectacle, à la limite d’un atelier corporel, donne accès à un monde sensoriel parallèle à l’égard duquel la marelle, même si elle n’est pas représentée explicitement, est le jeu par excellence : elle symbolise, de Julio Cortázar à Roger Zelazny, le passage d’une dimension à une autre ; elle rappelle que le monde est d’abord une structure vibrationnelle. Dupé remet le corps humain au centre de ce théâtre d’ondulations primordiales, avec des propositions qui se situent toujours à l’antithèse de la prétention et de la pose. Aidé par le travail chorégraphique d’Étienne Fanteguzzi, il réussit avec « Marelle » à créer chez le spectateur, enfant comme adulte, une envie irrépressible de monter sur scène et de s’emparer à son tour de ces modestes fragments du monde pour le rendre plus ludique et plus joyeux.