« L’œil n’a jamais fini de voir, ni l’oreille d’entendre », dit Qohelet dans les Ketouvim. Est-ce pour autant que nous devons accepter de tout voir et de tout entendre ? Si comme pour nous la scène reste pour vous ce lieu d’enseignement ésotérique qui permet les possibles et casse les banalités, alors non. Non, il est impossible d’accepter que le Théâtre devienne ce lieu de divertissement bourgeois dont l’unique gageure serait d’assurer la possibilité à nos programmateurs de se gargariser d’une conscience sociale. C’est pourtant bien le cas, quand certains théâtres nationaux nous infligent en cette rentrée de voir sur scène des acteurs échevelés au regard hébété reprendre les grands rôles du répertoire avec si peu de conscience artistique. Ici, le théâtre ne sert à rien puisqu’il n’est rien d’autre qu’un outil de monstration par le plus grand dénominateur commun d’un texte qui pour vivre aujourd’hui aurait pourtant besoin de bien plus d’ambition. Évidemment, Bob Wilson a raison quand il dit qu’« il n’est pas nécessaire de mettre Dom Juan sur une aire d’autoroute pour le moderniser », mais tout de même. Tout de même, il faut le dire : arrêtons de niveler l’ambition à la baisse par crainte de paraître élitiste. L’élitisme au théâtre, c’est la possibilité donnée à tous d’acquérir un ailleurs et de penser un autre aujourd’hui. Et c’est important de s’y atteler dès maintenant, car « les événements futurs ne laisseront pas de souvenir après eux », disait aussi Qohelet.