I/O n°42 [Edito] Il suffira d’un signe

couvio42Se sentir vivant commence par une impression de chaos où le rien et le tout se répondent. C’est un mouvement intime qui tisse et retisse sans cesse pour assurer les liens primitifs qui permettent d’instinct à deux corps de se comprendre.

Comme il n’y a pas un mouvement de l’esprit qui ne soit aussi un mouvement du corps, se sentir vivant devient alors un geste à part entière.

Ce geste expressionniste et libérateur est à la fois une soumission à la vie et une création par la force de cette vie qu’on laisse poindre. Et ce geste créatif ne sera pas isolé, il fait signe. Il abolit le langage car il le porte à son comble, simplement limpide et compréhensible par tous, sans barrière, ni piège. Il est essentiellement une déparole qui vise à faire perdre aux mots toute signification et prévalence. Pour laisser la place aux gestes, il aura ainsi fallu que la parole garde le silence pour ne plus être simplement dans une recherche de sens mais pour entrer tout entière dans le sens. Avec doigté, tous pores ouverts.

Mais que cherchons-nous à faire à longueur de pages et de festivals ? À poser des mots sur des gestes bien sûr, mais ils ne sont que la surface, le vernis social, une voie de communication facile ; au-delà du langage, nous aimerions déclencher le mouvement, forcer les portes et casser les codes, générer le besoin d’aller se confronter aux gestes de l’autre. Nous acceptons alors de réduire l’être parlant à l’état d’être vivant et nous participons avec modestie à la puissance qui ne connaît ni la fatigue ni le repos et qui peut seule suggérer les gestes salvateurs.

La beauté sauvera le monde, et le geste est parfois son médium le plus évident.