I/O n°55 [édito] Europe, fille d’Agénor

Fidèle illustration d’un temps cyclique aussi inquiétant que rassurant, le festival Chantiers d’Europe revient pour la 8e année au Théâtre de la Ville, et avec lui les incapacités et les espoirs charriés par une Europe surfant enfin sur la crête de la vague du changement. Parce que oui, cette Europe que représentent cette année sur les plateaux le Portugal, le Royaume-Uni, l’Espagne, les Pays-Bas, la Grèce et la Croatie n’est plus seulement celle de la crise et devient celle du tremblement. Ces mêmes tremblements que son grand-père Poséidon incarnait dans la mythologie grecque d’hier et qui nous rappelle alors la folie de ceux qui oublient pour avancer. Tremblement des marges, des folies et des désirs, tremblement des possibles, aussi. C’est exactement cela qu’incarneront cette année ces artistes parfois oubliés de la scène française, du 2 au 24 mai. Cela, et bien d’autres choses encore, parmi lesquelles les valeurs d’accueil et d’acceptation. Car comment ne pas se dire qu’à l’image de l’Espace Cardin, de la Fondation Ricard, du Théâtre des Abbesses et de la Fondation Cartier, qui accueillent cette année les représentations du festival, nous ne devrions pas ensemble tenter de mutualiser nos savoirs plutôt que de réfléchir à mieux exclure certains de nos conforts quotidiens ? Cela aussi est une leçon donnée par le festival Chantiers d’Europe cette année. Une leçon qui nous rappelle encore une fois l’histoire de cette Europe dont nous partageons l’héritage et qui, avant d’être ce continent traversé par les rages inconscientes du XXIe siècle, n’était rien d’autre qu’une princesse de Phénicie, fille du roi de Tyr, cette petite ville du Liban, aussi proche de Nazareth que de Damas.